La réquisition ne sert pas à assurer le fonctionnement normal d’une entreprise en temps de grève. C’est ce que le préfet d’Ille-et-Vilaine appris à ses dépens. Son arrêté de réquisition de 55 salariés des Laboratoires de Biologie Réunis a été retoqué en référé par le tribunal administratif de Rennes le 15 octobre 2022.
Nous avions déposé un préavis de grève -le premier dans l’histoire de l’entreprise- le 13 octobre pour des augmentations de salaires et contre divers dysfonctionnements ; dès le jeudi 13 au soir, les premiers salariés recevaient leur ordre de réquisition, les autres salariés le vendredi matin
, raconte cette adhérente FO, salariée du laboratoire, situé à Rennes.
FO à la manœuvre et en équipe
Au total, le préfet ordonne, à la demande de la direction, la réquisition de 55 salariés sur les 160 que compte le laboratoire. Cette réquisition intervenait au même moment que celle de salariés de raffineries, eux aussi en grève pour leurs salaires. Mais rien à voir avec la situation du laboratoire. Si la réquisition avait été possible, une vingtaine de salariés auraient suffi à assurer un fonctionnement minimal pour un samedi ; 55 personnes réquisitionnées, cela correspond au fonctionnement quasi-normal du laboratoire un week-end
, explique la militante. Autrement dit, l’ampleur de la réquisition aurait eu pour effet d’annuler les effets de la grève, qui est un droit.
Afin de faire respecter ce droit, FO a donc attaqué l’arrêté préfectoral. Un travail d’équipe. La responsable FO pour les laboratoires d’Ille-et-Vilaine m’a expliqué que tout cela n’était pas normal et m’a indiqué la marche à suivre. J’ai fait le compte des salariés réquisitionnés, ce qui m’a aussi permis de constater que les listes avaient été préparées dès le 11 octobre alors que le préavis a été déposé le 13 ! Puis, j’ai transmis les documents à l’union départementale FO
, raconte la militante.
Dès le 14 octobre, la fédération FO de la pharmacie et la confédération Force ouvrière déposent une requête auprès du tribunal administratif de Rennes demandant la suspension de l’arrêté préfectoral. FO fait notamment valoir que l’arrêté n’apporte pas de justification sérieuse d’une atteinte portée par le mouvement de grève à la santé et à la sécurité publiques dans le département, lesquelles ne se confondent pas avec la poursuite de l’exploitation de la seule société des Laboratoires de biologie réunis
; qu’il ne donne aucune indication sur les effectifs habituellement présents au cours des trois jours concernés
; qu’il ne comporte aucune indication sur l’absence d’alternative à la mesure de réquisition
et qu’au final l’étendue de la mesure présente un caractère disproportionné au regard du nombre de personnes requises qui ne vise pas à assurer seulement un service minimum
.
Le tribunal donne raison à FO sur toute la ligne. Le juge estime en effet qu’il n’est pas démontré que l’ampleur du mouvement de la grève [...] serait susceptible d’avoir [...] un impact tel qu’il serait susceptible de compromettre immédiatement et gravement le fonctionnement du dispositif sanitaire au sein de l’agglomération rennaise
; qu’il n’est pas mieux démontré qu’aucune solution alternative à la réquisition n’aurait pu être trouvée
; et qu’en conséquence l’arrêté préfectoral a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève
.
Reste encore à faire aboutir la revendication salariale
Le jugement réjouit bien sûr les salariés du laboratoire, car ils ont vu que les patrons ne peuvent pas faire n’importe quoi
, explique la militante FO. Pour autant, leurs revendications initiales ne sont toujours pas satisfaites.
Au lieu des 2,1% d’augmentation générale proposés dans un premier temps par la direction, nous obtenons 2,5% mais à condition de ne pas faire grève, alors que nous demandions une revalorisation équivalente à l’inflation,
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Aucun accord salarial n’a donc pour l’heure été signé.