La sous-traitance : l’essor de rapports à armes inégales

InFO militante par Christophe Chiclet

Depuis quarante ans qu’elle se développe, la sous-traitance construit son histoire, indissociable de la notion de dépendance économique, en cascade, avec laquelle jouent les donneurs d’ordre.

Utilisée toujours plus massivement, la sous-traitance en tant que modèle productif a déjà une histoire et a fait l’objet de nombreuses études, notamment sur le plan des conséquences sociales qu’elle entraîne. Depuis les années 1980, la question de la « sécurisation » de cette forme d’externalisation de la production est ainsi récurrente. En France, la sous-traitance, qui a fait l’objet d’une loi adoptée le 31 décembre 1975, se définit ainsi : c’est une opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage. Cette loi est antérieure à l’essor de la mondialisation qui, au nom de la concurrence et des profits, a accéléré les contraintes sur le monde du travail.

Un sentiment d’insécurité socio-économique

Dans une étude intitulée La sous-traitance comme moyen de subordination réelle de la force de travail, des économistes dressaient déjà au début des années 2000 un bilan sur vingt ans de cette sous-traitance. En 2003, neuf entreprises industrielles sur dix sont donneurs d’ordre et leur taux de sous-traitance, en moyenne, a plus que doublé sur cette période. Ils pointaient les dangers de cette pratique, soit l’introduction d’une discontinuité juridique entre donneur et preneur d’ordre, par les artifices permettant de dissimuler la mobilisation de la main-d’œuvre. Pour les auteurs, la sous-traitance induit un retour au premier plan de la menace de rupture contractuelle, ce qui vient comme réinstituer la subordination formelle, ce moment primitif des rapports de production capitalistes.

En 2011, un rapport de la DARES, soulignant des conditions de travail plus difficiles chez les preneurs d’ordre, relevait une fois encore les dangers de ce mode d’organisation. Fragilisés, les salariés concernés expriment leur sentiment d’insécurité socio-économique, dont la crainte d’une perte d’emploi. Chez les sous-traitants, les horaires de travail sont moins favorables qu’ailleurs, les accidents du travail plus élevés, et cela, note le rapport, alors que la médecine du travail peine à suivre ces travailleurs.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante