Utilisée toujours plus massivement, la sous-traitance en tant que modèle productif a déjà une histoire et a fait l’objet de nombreuses études, notamment sur le plan des conséquences sociales qu’elle entraîne. Depuis les années 1980, la question de la « sécurisation » de cette forme d’externalisation de la production est ainsi récurrente. En France, la sous-traitance, qui a fait l’objet d’une loi adoptée le 31 décembre 1975, se définit ainsi : c’est une opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage
. Cette loi est antérieure à l’essor de la mondialisation qui, au nom de la concurrence et des profits, a accéléré les contraintes sur le monde du travail.
Un sentiment d’insécurité socio-économique
Dans une étude intitulée La sous-traitance comme moyen de subordination réelle de la force de travail
, des économistes dressaient déjà au début des années 2000 un bilan sur vingt ans de cette sous-traitance. En 2003, neuf entreprises industrielles sur dix sont donneurs d’ordre et leur taux de sous-traitance, en moyenne, a plus que doublé sur cette période
. Ils pointaient les dangers de cette pratique, soit l’introduction d’une discontinuité juridique entre donneur et preneur d’ordre
, par les artifices permettant de dissimuler la mobilisation de la main-d’œuvre
. Pour les auteurs, la sous-traitance induit un retour au premier plan de la menace de rupture contractuelle, ce qui vient comme réinstituer la subordination formelle, ce moment primitif des rapports de production capitalistes
.
En 2011, un rapport de la DARES, soulignant des conditions de travail plus difficiles chez les preneurs d’ordre
, relevait une fois encore les dangers de ce mode d’organisation. Fragilisés, les salariés concernés expriment leur sentiment d’insécurité socio-économique
, dont la crainte d’une perte d’emploi. Chez les sous-traitants, les horaires de travail sont moins favorables qu’ailleurs, les accidents du travail plus élevés, et cela, note le rapport, alors que la médecine du travail peine à suivre ces travailleurs.