La Lettre de lʼUCR-FO -Annoncé en juin 2015 au congrès de la Mutualité par le Président de la République, prévu à lʼarticle 33 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, le dispositif des contrats de complémentaire santé « labellisés » pour les plus de 65 ans va bientôt prendre forme. Il devrait entrer en application à partir de janvier 2017. Quel est lʼobjectif de ce dispositif ?
Philippe Pihet - Ce dispositif nous a été présenté comme le pendant, pour les plus de 65 ans, de la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés issue de lʼAccord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 (accord que Force Ouvrière a refusé de signer). Des contrats individuels ou collectifs à caractère facultatif et bénéficiant dʼun label pourront être souscrits par des personnes âgées de plus de 65 ans auprès des organismes de complémentaire santé (mutuelles, institutions de prévoyance, assureurs). En contrepartie des garanties et des tarifs encadrés que devront contenir les contrats pour bénéficier de ladite labellisation, afin de les inciter à entrer dans le dispositif, les organismes pourront bénéficier dʼun crédit dʼimpôt de 1 % du montant de la prime acquittée hors taxe. En juillet dernier des projets de décrets précisant les critères nécessaires à lʼobtention du label ont fait lʼobjet dʼune consultation par la direction de la Sécurité sociale pour avis.
La Lettre de lʼUCR-FO -Que contiennent ces textes ?
Ph. P. - Ils définissent la procédure administrative de labellisation (délais dʼobtention, modalités de reconduction, procédure de retrait du label…) ainsi que les modalités dʼimputation par les organismes de complémentaire santé du crédit dʼimpôt auquel ouvrent droit les contrats labellisés. La procédure de labellisation est confiée au Fonds CMU. Par ailleurs trois niveaux de couvertures et trois niveaux de cotisation à ne pas dépasser vont être mis en place.
La Lettre de lʼUCR-FO - Que pensez-vous de cette structuration générationnelle du système de protection sociale complémentaire qui serait ainsi opéré ?
Ph. P. - Le dispositif conduit effectivement à une structuration par génération du système de protection sociale. Il institue des plafonds de tarifs progressifs par tranche de cinq ans à partir de 65 ans. Avec trois niveaux de garanties et trois niveaux de cotisations, les retraités les plus aisés seront favorisés et les moins aisés toujours plus défavorisés. Cʼest une évolution qui va à lʼencontre des principes et des valeurs de mutualisation et de solidarité entre tous les assurés que Force Ouvrière défend et revendique. Cʼest une négation même de la solidarité ! On peut craindre de surcroît que ce dispositif porte le risque de renforcer les organismes les plus enclins à pratiquer une sélection par lʼâge.
La Lettre de lʼUCR-FO -Vous soulevez ainsi la question de la soutenabilité financière des contrats labellisés ?
Ph. P. -Attention au concept de soutenabilité financière. Il peut sʼapprécier du point de vue de lʼadhérent ou de lʼassureur. La Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) a soutenu la « généralisation » de la complémentaire santé pour les salariés. En 2015, le Président de la République a promis la « généralisation senior », applaudi par la FNMF. Le seul concept de la soutenabilité financière que je retiens ici est celui du pouvoir dʼachat des retraités. A lʼarrivée, nous assistons non seulement à la remise en cause dʼun modèle de lʼéconomie sociale, mais aussi et surtout, à une rupture dans la solidarité, rupture que nous avons déjà dénoncée dans le funeste accord national interprofessionnel de janvier 2013. Nous ne manquerons pas de revenir sur ce sujet et de fournir à tous nos camarades retraités les informations nécessaires et détaillées dès que les décrets seront parus.