Laboratoires de biologie médicale : FO dénonce l’instrumentalisation des négociations salariales de branche par le patronat

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© Stephane AUDRAS/REA

Trois mois après avoir débuté, les négociations dans la branche des laboratoires privés de biologie médicale n’ont toujours pas abouti, alors que six coefficients de la grille sont inférieurs au Smic. FO dénonce un patronat qui joue la montre et instrumentalise ces négociations dans l’épreuve de forces qu’il a engagée avec la CNAM. Prenant acte de l’explosion de la rentabilité financière du secteur, du fait des tests liés au Covid, celle-ci exige une baisse du prix des actes qu’elle rembourse. Le patronat a riposté par une nouvelle grève des laboratoires, du 1er au 3 décembre.

Trois mois, et toujours rien. Bien que 6 des 21 coefficients de la grille salariale conventionnelle des laboratoires privés de biologie médicale sont inférieurs au Smic, les négociations salariales de branche débutées en septembre restent inabouties. Engagées dans le cadre d’une clause de revoyure obtenue par FO, elles doivent reprendre le 14 décembre, lors d’une quatrième réunion. Il y a urgence pour Romane Patrenotre, secrétaire fédéral chargé du secteur à la fédération FO des métiers de la pharmacie, des laboratoires de biologie médicale, du cuir et habillement. Le militant dénonce la stratégie des organisations patronales qui jouent la montre, au détriment des salariés.

La clause de revoyure dévoyée

« Jusqu’à quand les 50 000 salariés de la branche devront-ils patienter ? Il est inacceptable qu’ils fassent les frais de la riposte patronale engagée contre la CNAM. Les représentants des employeurs instrumentalisent cette négociation de branche, pour servir leurs intérêts dans la renégociation, en cours, de la convention du secteur avec la CNAM, explique le militant. Il rappelle l’urgence salariale face à la hausse des prix à la consommation (établie à +6,2 % fin novembre, sur un an, selon l’Insee). Les coefficients inférieurs au Smic concernent les aides-laboratoires (personnels d’entretien) et les chauffeurs-livreurs. Mais plus largement, précise-t-il, plus de la moitié des salariés du secteur sont aux salaires conventionnels de la grille.

Ce n’est pas le dernier accord salarial de branche, conclu en avril et concédant une hausse de 4 % en moyenne, qui permet de compenser l’inflation. Surtout que 2021 a été une année blanche, sans augmentation des minima de branche. Cet accord a juste permis de remettre la grille en conformité par rapport au montant du Smic revalorisé au 1er mai. Avant même cette revalorisation, deux coefficients étaient inférieurs au salaire minimum légal, rappelle le négociateur FO, qui a obtenu l’intégration dans l’accord d’une clause de revoyure, prévoyant une nouvelle négociation salariale à chaque évolution du Smic. A raison : dès le 1er août et la nouvelle revalorisation du Smic du fait de l’inflation, six coefficients, cette fois, se sont retrouvés sous son montant. Activée en amont, la clause de revoyure a tout de suite été dévoyée. Dès la première réunion, en septembre, les organisations patronales ont conditionné les résultats de la négociation. Ils ont annoncé ne pas vouloir négocier avec les organisations syndicales tant que leurs propres discussions avec l’État et l’Assurance-Maladie n’auront pas tourné à leur avantage, commente Romane Patrenotre.

Les laboratoires pointés pour leur rentabilité financière très élevée

L’appel patronal à la fermeture des 4 200 laboratoires de ville, du 1er au 3 décembre, est la dernière illustration du bras-de-fer engagé par le secteur avec l’exécutif et la CNAM, lesquels exigent des économies sur les dépenses de biologie médicale. L’activité hors-normes du secteur liée aux dizaines de millions de tests de dépistage Covid-19 réalisés depuis la crise sanitaire, laquelle s’est accompagnée d’une hausse de la rentabilité financière, n’a échappé à personne. Entre 2019 et 2021, le chiffre d’affaires des laboratoires privés a bondi de 83 %, passant de 5,14 milliards d’euros à 9,41 milliards d’euros, indiquait la CNAM dans un rapport paru en juillet. Quant à leur rentabilité financière (calculée à partir de l’excédent brut d’exploitation ou bénéfice brut), elle a fortement augmenté, passant de 17% en 2018 à 23% en 2020. Selon un communiqué d’octobre de la CNAM, elle se situe entre 20% et 30% en 2021. Et cela s’est fait sur fonds de consolidation du secteur. Les six plus grands groupes privés (Biogroup-LCD, Cerballiance, Inovie, Synlab, Eurofins et Unilabs) concentrent désormais 62% des sites. Parmi eux, en 2020-2021, les trois plus importants groupes atteignaient 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, et concentraient 61% du chiffre d’affaires du secteur.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 – adopté définitivement le 2 décembre – acte le changement d’époque : il entérine, dans son article 51, une économie de 250 millions d’euros par une baisse des tarifs des actes de biologie médicale, hors tests de dépistage. Ce mouvement de recherche d’économies devrait perdurer, et c’est tout l’enjeu de la renégociation – en cours – du protocole liant la CNAM et les laboratoires privés, ces derniers redoutant une baisse générale et pérenne du prix des actes remboursés par l’assurance-maladie au-delà de 2023.

FO revendique une augmentation de 5 % « pour tous »

Dans ce contexte, les négociations salariales de branche n’en sont pas. En septembre, l’unique proposition patronale était de remettre les six premiers coefficients (passés sous le montant du Smic) au salaire minimum légal. En octobre, il n’y pas eu de discussion. Les organisations patronales ont dit qu’elles n’avaient pas de mandat pour négocier, rappelle Romane Patrenotre. Changement de pied, lors de la réunion de novembre : Elles ont proposé une hausse de 2,2 % en moyenne de la grille mais pour la faire valoir auprès de la CNAM, dans le but de minimiser les économies demandées au secteur, précise Romane Patrenotre.

FO et les autres organisations syndicales ont rejeté cette proposition opportune, jugée largement insuffisante. Elle porte sur 2,2% de hausse en moyenne de la grille (+4 % pour les premiers niveaux et + 2 % pour le haut de grille). Mais elle ne serait applicable que début 2023, soit après l’augmentation du Smic au 1er janvier (qui pourrait être de l’ordre de 1,8 % selon le groupe d’experts, NDLR) !, détaille Romane Patrenotre. En clair, cela reviendrait à une simple mise en conformité de la grille par rapport au Smic et la tasserait encore plus, commente le militant FO.

Il dénonce une stratégie patronale délibérée de maintenir la grille conventionnelle au plus bas. 90 % des salaires conventionnels sont inférieurs à 1,6 Smic. Cela permet aux employeurs de bénéficier d’une réduction générale des cotisations et contributions patronales (au titre des exonérations dites Fillon, NDLR), rappelle le militant. Cela permet également aux plus importants laboratoires de se jouer des pénuries de techniciens et d’infirmières, en proposant des salaires d’embauche nettement supérieurs aux salaires conventionnels.

FO revendique une augmentation de 5% « pour tous » (pour l’ensemble des coefficients), qui permettrait de laisser un peu de marge après la hausse du Smic au 1er janvier, ainsi qu’un déplafonnement de la prime d’ancienneté au-delà de 15 ans. Pour fidéliser, conclut le militant FO.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération