Le Cese s’inquiète des fractures croissantes au sein de la société

Conjoncture par Clarisse Josselin

Seul le système de redistribution sociale permet de limiter le taux de pauvreté. © Solange Gautier

L’assemblée consultative s’est appuyée sur les indicateurs du développement durable pour élaborer son rapport annuel sur l’état de la France. Elle alerte les pouvoirs publics sur la hausse des inégalités et propose de remettre l’humain au centre de l’économie.

« Comment préserver la cohésion sociale dans le pays alors que les fractures se multiplient », tel a été le fil conducteur d’Hélène Fauvel (du groupe FO), rapporteur du rapport annuel du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur l’état de la France, adopté le 10 décembre en séance plénière.

La première partie analyse la situation économique, sociale et environnementale de la France. Sur le contexte international, le rapport pointe la fracture entre l’Union européenne, en stagnation économique, et les pays émergents, en croissance. Et « les politiques de rigueur budgétaire limitent les marges de manœuvre nécessaires à la sortie de crise », ajoute-t-il. Hélène Fauvel s’inquiète aussi de la crise écologique et remet en cause notre mode de développement.

Économiquement, la France a retrouvé son niveau de production d’avant la crise, mais la croissance du PIB reste très faible. Le taux de marge des entreprises est au plus bas depuis 1985, limitant l’investissement, et les PME peinent à accéder au crédit. Dans le même temps, la part des dividendes dans les bénéfices ne cesse d’augmenter.

Le rôle essentiel de l’école

Sur le monde du travail, le rapport s’inquiète d’une dualité progressive, avec d’un côté des salariés qualifiés occupant majoritairement des emplois stables et bien rémunérés, et de l’autre des salariés peu ou pas qualifiés, de plus en plus précaires. Globalement, 90 % des embauches se font désormais en CDD ou en intérim.

Focus : Prospectives sur le monde du travail et ses mutations
Pour la première fois, le rapport propose quatre scénarios prospectifs qui explorent les mutations possibles du travail à l’horizon 2025-2030, en extrapolant les tendances actuelles : chômage de masse, déficit des comptes sociaux, évolutions technologiques... Le Cese envisage des analyses diamétralement opposées, de la compétitivité à tout prix à la création d’un nouveau contrat social incluant une nouvelle répartition des richesses. Si le travail reste une valeur structurante, le rapport alerte sur les risques de dislocation sociale et montre qu’un nouveau modèle de développement est encore possible.

Dans ce contexte, les inégalités sociales s’accentuent. La France compte 2,2 millions de millionnaires et 8 à 9 millions de pauvres, tandis que 48 % du patrimoine est détenu par 10 % de la population. Seul le système de redistribution sociale permet de limiter le taux de pauvreté.

Hélène Fauvel insiste sur le rôle essentiel de l’école, alors que 150 000 jeunes sortent chaque année du système sans diplôme. Si 47 % des jeunes chômeurs n’ont pas de diplôme, seuls 10 % des jeunes diplômés du supérieur sont à la recherche d’un emploi.

Le Cese constate aussi une fracture politique, qui se traduit par une défiance grandissante à l’égard de l’État, favorisant un repli identitaire.

En deuxième partie, le Cese propose des focus sur « les principales préoccupations des Français » que sont les impôts et le logement. Hélène Fauvel constate d’ailleurs un refus grandissant de l’impôt, dont le principe n’est admis que par 57 % des Français. Quant à la crise du logement qui s’aggrave, elle rappelle que les prix immobiliers ont triplé entre 1998 et 2012 et appelle à une action forte des acteurs publics. 

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante