Le congrès de FO Energie et Mines vent debout contre le démantèlement du secteur

Service Public par Evelyne Salamero, FNEM FO

Pas moins de 400 délégués ont participé au Ve congrès de la fédération FO Energie et Mines, du 30 mai au 3 juin à Tours. Un congrès particulièrement revendicatif dans un contexte marqué aussi pour les électriciens et gaziers par les effets dévastateurs de la libéralisation du secteur de l’énergie.

Malgré les difficultés de transports liées aux inondations et leur engagement au quotidien dans la mobilisation pour le retrait de la loi El Khomri, ils étaient nombreux à s’être déplacés pour ces cinq jours de travaux et de débats.

La FNEM FO refuse l’invitation des directions à « anticiper » la loi El Khomri

Les 400 délégués au congrès de la fédération FO Energie et Mines ont commencé par adopter à l‘unanimité une motion pour le retrait de la loi El Khomri qui souligne : « FO Energie et Mines prend et prendra toutes sa place dans les jours et les semaines à venir pour que la revendication de retrait de la loi s’impose ». 

Vincent Hernandez, Secrétaire de la Fédération FO Énergie et Mines et Grégoire Hamelin, Secrétaire de l’Union départementale d’Indre-et-Loire.

Au niveau national, a alerté Vincent Hernandez, réélu secrétaire général, la fédération a déjà dû refuser l’invitation des directions de « s’asseoir autour de la table pour « anticiper » et discuter de ce que la loi travail pourrait apporter comme changements dans nos entreprises ». Des entreprises de plus en plus isolées les unes des autres et en concurrence, dans un contexte de libéralisation de plus en plus prononcée du secteur de l’Energie, au détriment des emplois, dont des milliers sont voués à disparaitre, et des usagers, ont souligné la plupart des 40 intervenants à la tribune du congrès.

« Fragiliser socialement nos entreprises pour mieux les revendre ensuite »

« Démantèlement », le mot a été prononcé à de nombreuses reprises au cours de ce congrès, notamment au cours de la discussion sur la rapport d’activité des quatre dernières années, adopté à l’unanimité. Evoquant les changements de noms des entreprises GDF-Suez, devenu Engie en 2015, puis celui maintenant d’ErDF, filiale d’Edf chargée de la distribution d’électricité, qui devient Enedis, des changements qui coûtent chaque fois des dizaines, voire des centaines de millions d’euros, Vincent Hernandez a notamment alerté : « Derrière ces changements de nom , il y a en réalité le démantèlement de nos entreprises, pour les isoler les unes des autres, les fragiliser socialement pour mieux les revendre ensuite ».

Comme pour illustrer ces propos, Engie a confirmé ce 7 juin qu’il renoncera à « un certain nombre d’activités » dans les trois années à venir et que « forcément, cela va engendrer des suppressions de postes ». Encore détenu à 33% par l’État français, le groupe prévoit au total 15 milliards d’euros de cessions d’actifs à l’horizon 2018, dont plus du tiers ont déjà été engagés.

De la loi de nationalisation de 1946 au grand démantèlement

Avant c’était simple, mais ça c’était avant, avant les directives européennes de libéralisation du secteur. Au lendemain de la guerre, en 1946, l’État français nationalise plus d’un millier d’entreprises privées du secteur de l’Energie. La Loi de nationalisation créée deux services nationaux chargés, l’un de l’électricité (EDF), l’autre du gaz (GDF), de leur production, de leur transport et de leur distribution. L’État fait ainsi le choix de contrôler via ces monopoles publics des secteurs vitaux pour la population du pays, en dehors de toute considération de rentabilité et d’intérêts capitalistiques privés.

Cinquante ans plus tard, en 1996 et 1997, des directives européennes, en application du traité européen de Maastricht, programment l’ouverture à la concurrence « libre et non faussée » du « marché » de l’Energie, et donc, en clair, l’ouverture du secteur aux entreprises privées.

En France, les lois de transposition de ces directives adoptées au début des années 2000 obligent tous les opérateurs, EDF, GDF (mais aussi les 150 entreprises locales qui n’avaient pas été nationalisées parce qu’elles appartenaient déjà aux communes), à séparer leurs activités de distribution, coûteuses (gestion et entretien du réseau), qui restent du domaine public, de ce qui au contraire peut rapporter, à savoir la fourniture, c’est-à-dire la vente, désormais ouverte à la concurrence.

EDF doit alors créer des filiales : ERDF pour la gestion du réseau de distribution et RTE pour le transport d’électricité haute tension. GDF créée GRD. En 2004, EDF et GDF sont transformés en sociétés anonymes cotées en bourse. Leur capital s’ouvre et, désormais soumises aux lois du marché, elles doivent verser des dividendes à leurs actionnaires. GDF fusionne avec l’opérateur privé Suez en 2008, puis le nouveau groupe GDF-Suez devient Engie en 2015… Et ERDF devient Enédis en 2016…

Les délégués FO ont rappelé leur attachement à la loi de nationalisation de 1946 et au statut du personnel

La loi NOME (Nouvelle organisation du marché de l’électricité) de 2010 peaufine un peu plus les choses : elle impose à EDF de céder au secteur privé un quart de sa production d’énergie nucléaire.

En 2015, la loi de « transition énergétique pour la croissance verte » franchit une nouvelle étape. Outre qu’elle impose un rythme de décroissance d’énergie sans précédent condamnant ainsi la France, dénonce la fédération FO, « à renoncer à toute relance industrielle », cette loi met sur les rails la privatisation d’un secteur clé de la production publique d’EDF, la production hydroélectrique, et prépare la régionalisation de l’ensemble du secteur énergétique.

Privatisations des installations hydrauliques, fermeture des centrales thermiques, sous-investissement ou investissements hasardeux qui s’apparentent plus à des « coups » financiers dans le nucléaire… Au désengagement croissant de l’État, les délégués au congrès de la FNEM FO ont opposé leur revendication d’un retour à la loi de nationalisation de 1946. Elle constitue, ont-ils souligné, avec le statut du personnel, la seule barrière valable contre le dumping social dans un secteur proche de la désintégration.


Sous prétexte d’écologie, de dangereuses incohérences

Entrée de la centrale de Civaux - Par E48616 (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

La loi de transition énergétique prévoit de diminuer de 25% d’ici 2025 la part du nucléaire dans la production d’électricité. Pourtant l’énergie nucléaire ne produit pas de carbone et l’un des objectifs affichés de la loi de transition énergétique est justement de « décarboniser » la production d’énergie.

Une question d’argent

En revanche, l’entretien et la rénovation du parc nucléaire, pour qu’une sécurité maximum soit assurée, exige de très importants investissements, évalués à ce jour à 55 milliards d’euros. Des investissements que l’État, actionnaire principal d’EDF encore aujourd’hui, refuse de faire, dans un contexte d’austérité généralisée. L’État préfère annoncer la fermeture de centrales, comme celle de Fessenheim, invoquant alors la sûreté nucléaire. Mais il n’hésite pas à pousser EDF à se lancer dans un investissement financièrement hasardeux pour construire un EPR (réacteur nouvelle génération) à Hinkley Point en Grande-Bretagne, alors que pour l’instant personne n’est en mesure de dire si un tel réacteur peut fonctionner en toute sécurité, vu qu’aucun de ceux en cours de construction dans le monde n’ont encore ni fonctionnés, ni même été testés.

Et la taxe carbone ?

Le Président François Hollande a annoncé lors de la conférence environnementale des 25 et 26 avril à Paris la mise en place dès 2017, en France, d’un prix plancher du CO2, au moyen d’une taxe payable par les seuls producteurs d’électricité. L’objectif, a clairement indiqué le président est de « réduire, voire supprimer le recours au charbon dans les centrales thermiques ». Le coût de revient de l’électricité produite à partir du charbon passerait ainsi de 35 euros à 60 euros le mégawatt-heure en moyenne.
Les délégués au congrès de la FNEM FO ont adopté à l’unanimité une motion s’opposant à cette décision du président de la République. Uniper, filiale d’EON en France, a d’ores et déjà annoncé que « cette taxe rendra économiquement impossible le maintien en exploitation » des deux unités au charbon de Gardanne (Bouches du Rhône) et de Saint-Avold (Moselle). Les centrales EDF de Cordemais (Loire Atlantique) et du Havre (Seine-Maritime) seraient également menacées.
Or ces centrales thermiques à flamme (qui font brûler le charbon) permettent de sécuriser le réseau. En période de hausse de consommation, lors d’un grand froid par exemple, elles assurent un complément indispensable pour éviter le black-out. A l’heure actuelle en effet, le nucléaire représente 80% de la production électrique, l’hydraulique 15%, les centrales thermiques 4% , et les énergies renouvelables 1%.

Centrales thermiques : Il existe de nouvelles techniques propres qui ne sont pas développées

Fermer les centrales au charbon au motif qu’elles polluent serait d’autant plus absurde, soulignent les délégués FO, qu’il existe aujourd’hui des nouvelles techniques propres, permettant de les faire fonctionner tout en contribuant concrètement à la baisse de CO2.
Pourquoi ces techniques propres ne sont-elles pas utilisées ? « Nous sommes face à un dogme et à des intérêts politiciens, mais aussi avec d’énormes intérêts financiers derrière », explique Christophe Sey, délégué FO à la centrale de Cordemais. L’État, là encore, n’engage pas les investissements nécessaires. Le développement des éoliennes et de l’énergie solaire lui coûte bien moins cher, puisqu’il est financé par une contribution (CSPE) incluse dans la facture des particuliers. On peut aussi noter que la plupart des éoliennes sont fabriquées en Allemagne et en Hollande par des entreprises privées

FO défend le Mix énergétique

Pour FO, il n’y a pas de « bonnes » et de « mauvaises » énergies, mais des énergies qui se complètent. Les délégués ont réaffirmé leur attachement au « Mix énergétique », seul moyen de garantir l’indépendance énergétique de la France, avec un prix du KWh abordable pour les citoyens et qui ne menace pas la compétitivité de l’industrie française.


Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

FNEM FO Énergie et Mines