Le défenseur syndical et la compétence territoriale

Droit syndical par Secteur des Affaires juridiques

La création du statut de défenseur syndical par l’État en 2015 avait comme objectif de garantir au salarié n’ayant pas accès à un avocat une défense de qualité. Un décret ultérieur, contesté par FO avec succès, était venu limiter sa compétence territoriale. Cette limitation, à présent inscrite dans le Code du travail, fait de nouveau l’objet d’une contestation.

Souvenez-vous, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 relative à la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a créé le statut de défenseur syndical, dont l’objectif poursuivi par le législateur était de garantir aux salariés une défense de qualité, pour ceux ne pouvant avoir accès à un avocat. Ainsi, il exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel (chambre sociale) en matière prud’homale.

Un premier recours en QPC (question prioritaire de constitutionnalité) avait été engagé par le Conseil national des barreaux, qui considérait que la loi n’apportait pas de garanties d’égalité des justiciables devant la justice car elle n’imposait au défenseur syndical qu’une obligation de discrétion et non de secret professionnel.

Dans une première décision, le Conseil constitutionnel considère que l’avocat et le défenseur syndical présentent des garanties équivalentes au regard des droits de la défense et de l’équilibre des droits des parties (Cons. const., 7 avril 2017, n° 2017-623 QPC).

Puis, le décret n° 2016-975 du 18 juillet 2016 limitant l’exercice des fonctions des défenseurs syndicaux au seul ressort de la cour d’appel de la région sur la liste de laquelle ils sont inscrits, en dérogeant à cette règle uniquement au profit de l’assistance ou de la représentation devant une autre cour d’appel lorsque le défenseur syndical a représenté la même partie en première instance, est attaqué devant le Conseil d’État par notre organisation syndicale et est annulé : Le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d’appréciation en limitant le champ de compétence géographique des défenseurs syndicaux au ressort des cours d’appel de la région sur la liste de laquelle ils sont inscrits et en ne prévoyant de dérogation à ce principe que dans le cas où le défenseur syndical a représenté la même partie en première instance. (CE, 17 novembre 2017, n°403535).

Nous avons toujours combattu cette territorialité et le Conseil d’État, dans sa décision, semble être de notre avis :

Dans ces conditions, au regard de l’objectif poursuivi par le législateur et compte tenu, d’une part, de ce que les parties ont toujours pu, avant l’intervention des dispositions contestées, faire appel aux organisations syndicales, dans le cadre de leur libre organisation, pour la désignation d’un délégué, sans considération de son domicile ou de son lieu d’exercice professionnel, et, d’autre part, que les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 ne s’appliquent pas devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel statuant en matière prud’homale, elles peuvent être assistées et représentées par l’avocat de leur choix quelle que soit sa résidence professionnelle.

C’est pourquoi, contre toute attente, le gouvernement réintroduit cette limitation territoriale d’exercice des fonctions du défenseur syndical dans la partie législative du Code du travail par l’ordonnance « balai » n°2017-1718 du 20 décembre 2017.

Mais la bataille n’est pas finie puisque la Cour de cassation, dans une décision du 18 décembre 2019 (n°19-40032), vient de transmettre une QPC au Conseil constitutionnel sur le périmètre géographique d’intervention du défenseur syndical rédigée en ces termes :

Le troisième alinéa de l’article L 1453-4 du Code du travail, institué par l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ratifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, en ce qu’il restreint la compétence géographique des défenseurs syndicaux aux périmètres des régions administratives, porte-t-il atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et plus précisément aux sixième et seizième articles de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, à l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, et au sixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ?

Autrement dit, la compétence territoriale limitée du défenseur syndical ne viole-t-elle pas le principe d’égalité puisque l’avocat du salarié n’est pas limité géographiquement ?

Si l’objectif du législateur est réellement de garantir une défense de qualité au salarié, pourquoi empêcher un défenseur de suivre un dossier car il ne fait pas partie de son domaine d’intervention ?

Espérons que le Conseil constitutionnel retoque cette limitation géographique.
Réponse attendue avant le 18 mars 2020.

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