Le gouvernement veut accélérer la restructuration des branches

Négociation collective par Clarisse Josselin

La loi Travail, dont les premiers décrets d’application viennent de paraître, accélère le processus de restructuration des branches professionnelles. L’objectif est de passer de 700 à 200 branches d’ici trois ans. Les premières échéances tombent dès la fin de l’année 2016. A défaut de négociations spontanée dans les branches, le gouvernement menace de reprendre la main.

La loi Travail accélère la restructuration des branches, un chantier lancé avec la loi sur la formation de 2014. L’objectif est de réduire le nombre de branches professionnelles de 700 à 200 d’ici trois. Elle renforce aussi les pouvoirs du ministre du Travail en la matière.

Le 20 octobre dernier, Myriam El Khomri a réuni les interlocuteurs sociaux sur le sujet, au sein de la commission nationale de la négociation collective (CNNC). Elle leur a demandé d’accélérer le mouvement. Elle leur a rappelé qu’à défaut de rapprochement spontané des branches, le ministère du travail opérerait lui-même ces fusions comme la loi l’y autorise, eu égard à l’intérêt général.

La disparition de 100 branches déjà entérinée

Un décret en Conseil d’État, paru le 17 novembre au Journal officiel, fixe les critères – non cumulatifs – qui permettent de désigner les branches susceptibles de faire l’objet d’une restructuration rapide, par fusion ou rattachement.

Les branches territoriales (dont le champ d’application est uniquement régional ou local) et celles qui n’ont pas conclu d’accords depuis quinze ans doivent théoriquement avoir fusionné avant fin 2016. Le premier critère concerne notamment les secteurs du bâtiment, de la métallurgie et de l’agriculture. Ces branches ayant engagé des accords de méthode, les délais devraient être rallongés.

Sur le second critère, la disparition de 100 branches a déjà été entérinée. Parmi elles, une dizaine seulement fusionnent avec une autre branche professionnelle. Quatre-vingt-dix sont purement supprimées, ce que dénonce FO, la suppression d’une branche n’étant pas prévue par la loi.

FO s’oppose à tout critère basé sur les effectifs

Les autres critères accordent un délai de trois ans aux branches pour négocier la fusion. Sont notamment concernées celles qui comptent moins de 5 000 salariés, celles qui n’ont pas négocié d’accords obligatoires depuis trois ans ou celles dans lesquelles moins de 5 % des entreprises adhèrent à une organisation professionnelle représentative des employeurs.

Opposé à tout critère arithmétique couperet, FO préfère une sélection en lien avec la qualité du dialogue social, certaines branches de petite taille étant plus actives que de grosses branches sclérosées.

La loi Travail imposait aussi aux interlocuteurs sociaux d’ouvrir avant le 8 novembre une négociation sur la méthode de restructuration, au niveau national et interprofessionnel. Le comité paritaire pour la restructuration des branches a été installé le 3 novembre.

Les délais de réflexion réduits à peau de chagrin

Dans le même délai, l’ensemble des branches devaient avoir entamé des négociations sur une démarche de restructuration, sous peine de voir l’administration reprendre la main, une précipitation qui a été dénoncée par FO.

Enfin, un décret paru le 20 octobre organise la consultation des interlocuteurs sociaux réunis au sein de la CNNC sur les projets de fusions de branche impulsés par l’État. Ces projets ne seront plus soumis aux interlocuteurs sociaux mais directement publiés au Journal officiel. Ces derniers n’auront que 15 jours pour réagir.

FO déplore la réduction drastique du délai de réflexion accordés aux organisations - à l’origine d’un an, puis ramené à six mois par la loi Rebsamen - dans le seul but de tenir des engagements chiffrés arbitraires.

Fin du pouvoir d’opposition des interlocuteurs sociaux

L’avis de la CNNC reste consultatif. Le pouvoir d’opposition, que FO avait obtenu dans la loi initiale, a disparu. Les interlocuteurs sociaux, au moins deux organisations patronales ou deux organisations syndicales, peuvent simplement faire une contre-proposition de fusion ou de rattachement à une autre branche, sur demande écrite et motivée. Dans ce cas, ils seront consultés pour avis une deuxième fois.

Le chantier est loin d’être terminé. Une fois ces fusions réalisées, les interlocuteurs sociaux de chaque nouvelle branche auront cinq ans pour harmoniser les différentes conventions collectives. A défaut d’accord, c’est la convention collective d’accueil qui s’appliquera, sans maintien des avantages individuels acquis de l’ancienne convention.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

Sur le même sujet