Le long combat de la presse française

Histoire par Christophe Chiclet

HAMILTON/REA

La liberté de la presse est un des piliers de la démocratie. L’obtenir fut un long combat. La sauvegarder l’est d’autant plus, surtout aujourd’hui.

Le premier périodique français voit le jour en 1631. La Gazette est publiée par Théophraste Renaudot, un protestant qui est pourtant un ami du cardinal de Richelieu. Ce premier journal reste très encadré par le pouvoir royal. En 1672 apparaît Le Mercure Galant, trimestriel qui deviendra un mensuel, l’ancêtre des journaux people, publié jusqu’en 1716, relatant l’actualité mondaine de la Cour !

Le premier quotidien français sort en 1777 sous la direction d’Antoine Cadet de Vaux (1743-1828) : Le Journal de Paris. Mais il faut attendre la Révolution pour que la liberté de la presse devienne réalité. Le 24 août 1789, la Constituante instaure, « la libre circulation des pensées et la liberté d’imprimer ses opinions ». Un premier pas vers la loi de 1791 officialisant la « liberté de la presse ». Une liberté trop dangereuse car dès 1793 la censure est instaurée, d’abord sous la terreur, puis le directoire. C’est Napoléon qui va museler la presse dès 1800.

L’apogée de la presse française date des années 1830-1914. Il existe alors 600 quotidiens. Les grands quotidiens parisiens sont regroupés sur les grands boulevards. Ils bénéficient de plusieurs avancées : l’invention des rotatives en 1845, l’apparition de l’agence Havas en 1835 qui transmet l’information internationale et l’arrivée de la pub l’année suivante qui permet des rentrées d’argent, sans que cette dernière ne fasse la loi comme trop souvent aujourd’hui.

Avec la linotypie, le journal devient un produit de bonne facture et très lisible. En novembre 1866 et janvier 1867, Napoléon III lève « l’autorisation préalable » qui était une sorte de pré-censure.

Cette demande de liberté se concrétise aussi en 1880 avec la fondation de l’Association syndicale professionnelle des journalistes républicains français, dirigée par Edgar Monteil (1845-1921). À l’époque il n’existait que 2.000 « écrivains de presse ». Ils seront 6.000 en 1910.

L’Association syndicale se transforme en Syndicat des journalistes français en 1886, puis en Syndicat des journalistes en 1918. Mais il faut attendre mars 1935 pour avoir un statut du journaliste professionnel, puis en janvier 1936, la création de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels.

Une liberté sous contrôle

C’est le 28 juillet 1881 qu’est votée par la chambre des députés la loi sur la liberté de la presse. Mais rapidement, elle sera remise en cause. En 1893, la presse libertaire est interdite suite aux attentats terroristes de certains anarchistes. C’est avec la Première Guerre mondiale que la liberté de la presse sera sérieusement remise en cause. Journalistes et ouvriers du livre sont mobilisés, la pénurie de papier est importante et la censure des textes et des photos fait rage.

Dans l’entre-deux-guerres, la presse devient très propagandiste ce qui entraîne une stagnation de sa diffusion. Trop partisane pour nombre de lecteurs, d’autant que la hausse du prix du papier fait passer les quotidiens de 5 à 20 centimes. De 40 quotidiens sur Paris en 1920, on passe à 32 en 1939. La PQR (presse quotidienne régionale) et les hebdos s’en sortent mieux.

En 1940, la plupart des grands quotidiens préfèrent se saborder plutôt que de suivre les directives de l’occupant. Il ne reste plus qu’une presse odieusement collaborationniste, antisémite… Mais dès fin 1940, apparaît la presse résistante : Défense de la France, Combat, Libération, le Franc-Tireur, sans oublier Résistance-Ouvrière qui deviendra Force-Ouvrière Hebdo (1). À noter que c’est le nom du journal qui donnera le nom de la nouvelle confédération en 1948 !

À la libération, l’épuration permet un transfert de propriété des journaux. Le Matin, devient Le Monde, sous la direction du résistant Hubert Beuve-Méry, La Petite Gironde se transforme en Sud Ouest… Cette nouvelle presse libre a besoin d’un instrument de distribution. Ce sera dès 1945 les NMPP (Nouvelles messageries de la presse parisienne).

Dans les années 1950, France Soir vend un million d’exemplaires par jour et apparaissent des hebdos de qualité : L’Express, France Observateur ainsi que la presse de loisirs : L’Équipe, Elle… Après Mai-68, une presse « insolente » fait son apparition : Hara-kiri, Actuel, Libé… Mais c’est aussi la baisse des ventes qui arrive, entraînant la fermeture de Combat. L’arrivée des gratuits (Métro, 20 Minutes…) et de l’information sur le net ne fera qu’accélérer le déclin d’une presse riche de ses articles et de son indépendance. Une autre ère commence, celle du règne des condottieri de la finance, lesquels se partagent les grands titres

Et la situation s’aggrave avec la disparition des NMPP dont l’activité sera reprise par Presstalis au 1er janvier 2010. En grande difficulté, le distributeur sera repris en juillet dernier par les quotidiens et prendra le nom de France messagerie. En perdant au passage les deux tiers de ses emplois.

(1) Voir FOH, n°2266, 11 octobre 1995 : « André Viot témoigne : Hier résistance, aujourd’hui force ».

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante