Le paritarisme sur la sellette ?

Retraite par Françoise Lambert, Philippe Pihet

La Cour des comptes veut peser sur le contenu des discussions. © Pascal SITTLER / REA

« Les négociations, ce n’est jamais facile, mais là on peut dire qu’elles sont de plus en plus observées et sous contrainte ! », remarque Philippe Pihet, Secrétaire confédéral FO, vice-président de l’Arrco et chef de file de la délégation FO dans la négociation sur les retraites complémentaires. Y aurait-il une volonté du côté des pouvoirs publics de mettre les retraites complémentaires sous tutelle et, ce faisant, de remettre en cause le caractère paritaire de leur gestion ?

Par une lettre du 21 octobre 2014, le Premier ministre Manuel Valls a saisi le Haut conseil du financement de la protection sociale pour l’enjoindre d’élargir sa réflexion sur « l’évolution du financement de la protection sociale ». Il lui demande, entre autres, de se pencher sur « une nouvelle étape de rationalisation du recouvrement des prélèvements sociaux, en ce qui concerne notamment les cotisations de retraite complémentaire des salariés du privé ». Il s’agirait de transférer à l’Urssaf la collecte des cotisations Agirc et Arrco. Une orientation « inacceptable » pour FO, dont le Secrétaire général, Jean-Claude Mailly, estime qu’elle aboutirait « à la fin (…) de la gestion paritaire des retraites complémentaires à travers leur intégration dans le PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale, NDLR) ».

Les retraites complémentaires sous tutelle ?

Décryptage : Arrco et Agirc, quèsaco ?
Les régimes de retraite complémentaire obligatoires Arrco et Agirc comptent plus de 18 millions de cotisants et versent annuellement plus de 70 milliards d’euros de pensions à 12 millions de retraités. L’Arrco (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) couvre les salariés du secteur privé indépendamment de leur statut et l’Agirc (Association générale des institutions de retraite des cadres) concerne les cadres du privé. Le régime des cadres a vu le jour en 1947, l’Arrco en 1961. L’Agirc et l’Arrco sont gérés paritairement par des représentants des syndicats de salariés et des organisations patronales.

Le schéma coïncide avec les recommandations émises par la Cour des comptes dans un rapport sur les retraites complémentaires Agirc et Arrco - le premier du genre - rendu public le 18 décembre 2014. La Cour y dit son souhait de voir la loi sur le financement de la Sécurité sociale élargie à la protection sociale, afin qu’elle concerne aussi les régimes Agirc-Arrco.

Les magistrats de la rue Cambon plaident pour des « mesures d’urgence », suggérant spécifiquement de reculer l’âge de la retraite. « Se priver de toute action visant à faire différer les départs en retraite obligerait les partenaires sociaux à réduire d’au moins 9 % le pouvoir d’achat des pensions complémentaires à l’horizon 2021, par rapport à 2013, ou à accroître d’au moins 1 point les taux de cotisation entre 2013 et 2021 », écrivent-ils.

Du pain béni pour le patronat qui ne cesse de marteler qu’il faut faire travailler les salariés plus longtemps. 

Françoise Lambert Journaliste à L’inFO militante

Philippe Pihet Ex-Secrétaire confédéral

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