« Le pouvoir d’achat est retombé à son niveau d’il y a treize ans »

Mathieu Plane, économiste à l’OFCE par Valérie Forgeront

Mathieu Plane est directeur adjoint du Département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Les mesures d’austérité mises en place depuis la crise de 2008 sont responsables d’un recul du pouvoir d’achat des ménages à hauteur de 1 630 euros sur huit ans, indique Mathieu Plane pour l’Observatoire français des conjonctures économiques.

De quelle manière les politiques d’austérité ont-elles conduit au recul du pouvoir d’achat depuis 2008 ?
Mathieu Plane : L’augmentation de 70 milliards des prélèvements obligatoires entre 2011 et 2013 a constitué un choc et a eu un impact massif sur le pouvoir d’achat, qui a alors baissé de 930 euros. Cela, ajouté au recul de l’activité et à la crise de l’emploi dès 2008, a induit une baisse des revenus du travail. Entre 2011 et 2015, le pouvoir d’achat a ainsi chuté de 1 750 euros et les prélèvements participent pour 1 100 euros dans cette chute. Conséquence des mesures d’austérité fiscales et de la diminution de la dépense publique, le pouvoir d’achat est retombé aujourd’hui à son niveau d’il y a treize ans. La surenchère en matière d’austérité se poursuit toutefois.

Les prestations sociales jouent-elles toujours leur rôle d’amortisseur du recul du pouvoir d’achat ?
Mathieu Plane : Si entre 2008 et 2010 ces prestations ont bien joué ce rôle, c’est moins le cas depuis. Cette année, par exemple, le secteur de la protection sociale devra réaliser 9,6 milliards d’économies. Or cette austérité diminue la dynamique des prestations, ce qui impacte le pouvoir d’achat. Ainsi, en 2007 les prestations pesaient pour 140 euros dans les revenus, depuis 2014 elles pèsent deux fois moins. Par ailleurs, alors qu’elles profitent aux bas revenus et sont un soutien majeur au pouvoir d’achat, donc à la consommation et à l’activité économique, beaucoup de ces prestations sont gelées. Parallèlement, les économies issues des mesures d’austérité ne sont pas redistribuées aux ménages mais vont à la résorption des déficits… qui ne baissent pas. Cette austérité, violente, est donc contre-productive.

Les revenus du travail ont baissé de 770 euros par ménage en cinq ans. Dans ce cadre, comment se sont comportés les salaires ?
Mathieu Plane : L’austérité a eu un impact sur le marché du travail, notamment un ralentissement des salaires, même s’ils ont résisté dans une zone euro où tous les pays pratiquent la déflation salariale puisque la compétitivité est principalement assise sur la politique de baisse du coût du travail ! Actuellement en France, l’aide (41 milliards d’ici à 2017) aux entreprises est sans garantie en terme d’efficacité sur l’emploi. Or, soutenir le redressement des marges financières des entreprises dans un contexte de carnets de commandes vides fait craindre que ces entreprises n’investissent pas dans l’emploi. Il faut donc rééquilibrer les choses en réduisant les aides aux entreprises, en limitant la réduction des déficits et en développant une politique de la demande (consommation, NDLR) qui profite à tous, donc aussi aux ménages. 

Quelques chiffres
 Entre 2011 et 2013, l’austérité budgétaire a représenté entre 55 et 75 milliards d’euros.
 Entre 2011 et 2013, les revenus réels du travail par ménage ont reculé de 230 euros par an.
 En 2014, le pouvoir d’achat des ménages a baissé de 110 euros. Même baisse prévue en 2015.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante