Le prélèvement à la source ou la menace d’un accident industriel

Economie par Valérie Forgeront

©HAMILTON/REA

Alors que selon le plan du gouvernement son entrée en vigueur est prévue a priori pour janvier 2018, le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu risque d’entraîner un « accident industriel » prévenaient le 14 avril dernier dans un communiqué commun trois syndicats (FO, CGT, Solidaires) des finances publiques (DGFIP). Explications.

Les organisations qui demandent au gouvernement d’abandonner la réforme de prélèvement à la source (PAS) soulignaient le 14 avril dans un communiqué les risques qu’entraînerait la mise en place —qui plus est précipitée— de cette réforme. Selon un vocabulaire inhabituel, les syndicats dont la DGFIP-FO évoquent le risque d’un accident industriel.

Une accident industriel majeur est un évènement accidentel se produisant sur un site industriel et entraînant des conséquences immédiates graves pour le personnel, les populations avoisinantes, les biens et/ou l’environnement.

Cette définition peut être transposée au monde de la fiscalité. Le risque majeur est représenté par le PAS. Les syndicats alertent ainsi sur différents types de dangers dont celui d’un manque à gagner en termes de recettes fiscales.

Or actuellement moins de la moitié des contribuables sont redevables de l’impôt sur le revenu. Les recettes de l’IR pour 2016 s’élevaient à 72 milliards. Celles de la TVA, 145 milliards. Pour les syndicats engendrer une potentielle baisse des recettes de l’État c’est prendre un risque incompréhensible au vu de la situation budgétaire.

Les syndicats alertent aussi sur le risque d’un moindre consentement à l’impôt de la part des contribuables lesquels souligne Hélène Fauvel, la secrétaire générale du syndicat FO des personnels de la DGFIP vont bientôt découvrir les complications du système et la contrainte de devoir consulter les services de la DGFIP pour comprendre le fonctionnement du PAS, rectifier des erreurs d’imposition, mettre à jour une situation fiscale…

La qualité des missions en question

Il faudra compter aussi avec les complications qu’entraîneront la défaillance de certaines entreprises ou pour d’autres le non reversement aux services de l’État de la collecte de l’impôt indique FO. Cela aussi pourrait induire une perte de recettes. Les difficultés accrues pour l’accueil des contribuables et une aggravation des conditions et de la charge de travail des agents conduisent aussi à redouter l’arrivée du prélèvement à la source.

Alors qu’avec la suppression de 37 200 emplois depuis 2002 les services des finances publiques sont au premier rang des administrations subissant les mesures d’austérité budgétaire, la mise en place du prélèvement de l’impôt à la source va compliquer en effet davantage encore le travail des agents et donc compliquer aussi leur capacité à maintenir la qualité des missions.

Les syndicats rappellent ainsi la frénésie de restructurations qui désorganisent les services et les éloignent significativement des contribuables. La mise en place du système PAS ne ferait donc qu’exacerber les difficultés des services et des fonctionnaires.

Des tensions…. Pour rien peut-être

La charge de travail des services va fortement augmenter et bien sûr l’administration sous-estime cette augmentation indique Hélène Fauvel. En vue de cette mise en place du PAS —dont le principe consiste à prélever directement l’impôt sur le revenu chaque mois sur le salaire ce qui transforme l’employeur en tiers collecteur de cet impôt— tout s’accélère actuellement dans les services de la DGFIP.

Peut-être pour rien d’ailleurs s’irrite Hélène Fauvel. Les syndicats soulignent en effet les incertitudes quant à la mise en œuvre effective du projet du fait des échéances électorales. Concrètement, le PAS pourrait ne pas voir le jour en 2018 ou ressembler à autre chose.

Si tel était le cas ? L’administration nous indique qu’il n’y aurait aucun problème à tout arrêter au 31 décembre prochain explique la secrétaire général de FO-DGFIP regrettant par ailleurs que le coût de la mise en place de la réforme ne soit pas connu pour l’instant. Rien qu’en tenant compte du coût de la publicité pour cette réforme et ce qu’elle a mobilisé en termes de corps de métiers (juristes, informaticiens, formateurs…) ce coût pourrait être important.

Si la mise en place réelle de la réforme reste encore incertaine, les personnels vivent néanmoins sous la pression d’un calendrier très contraint visant à lancer le PAS.

Tout pour le PAS

Du côté des contribuables, la campagne de l’impôt sur le revenu qui débute actuellement par l’arrivée dans les boîtes aux lettres des avis d’imposition sur les revenus de 2016 contient le premier signe de la mise en place -–hypothétique— du PAS. Les avis comportent cette année un taux qui servira au calcul de l’impôt selon le système PAS. Ce taux sera transmis aussi à l’employeur en prévision du prélèvement de l’impôt sur les salaires dès janvier 2018 explique Hélène Fauvel.

Déjà beaucoup de services sont mobilisés, sur la brèche… Tout en étant maintenus dans une extrême opacité d’information concernant la mise en place concrète de la réforme. Les Centres de contacts qui répondent habituellement aux questions diverses des contribuables s’occupent désormais exclusivement des questions (employeurs et particuliers) relevant du prélèvement à la source.

Quant-aux Cellules locales de formation dédiées aux multiples formations à destination des agents, elles réalisent exclusivement aujourd’hui des formations consacrées au système PAS. Formations contraintes, branle-bas de combat informatique pour mettre au point le nouveau traitement de la collecte de l’impôt par les services de la DGFIP, réorganisation de services dédiés au PAS… Le travail de préparation du lancement du prélèvement à la source traduit à lui seul la complexité du système contesté dès son origine par les personnels des finances publiques, FO notamment.

L’usine à gaz

Alors rappelle Hélène Fauvel que pour tenter de vendre le PAS aux contribuables, l’État a voulu vanter la simplicité de son système et par ailleurs la contemporénéité entre la perception des revenus et leur imposition, les personnels eux sont déjà au contact de la réalité… Bien plus complexe, ne serait qu’au plan de l’organisation.

Nous venons d’apprendre par exemple qu’un service basé à Limoges centralisera toutes les écritures comptables concernant l’impôt des non-salariés (agriculteurs, artisans, professions libérales…) lesquels ne seraient pas soumis au PAS comme les salariés.

Pourquoi Limoges ? L’administration nous a expliqué que l’application informatique prévue pour ces opérations a été conçue là-bas. Cela risque de poser de sérieux problèmes de traitement de ces impôts aux agents indique la militante citant encore parmi les nombreux soucis des agents la crainte de commettre des erreurs de par la complexité du système.

A titre d’exemple, le traitement (rattachement en termes comptables) des acomptes prélevés sur le salaire sera une source d’erreurs car notamment il aura lieu un an et demi après les prélèvements . La réforme PAS résument les syndicats se révèle au fur et à mesure de son développement une véritable usine à gaz tant pour les agents que pour les contribuables.

Cerise sur le gâteau expliquent-ils encore, au plan de l’efficacité de la collecte de l’impôt, le prélèvement à la source ne va rien améliorer. Bien au contraire. Actuellement le taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu atteint plus de 98%.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

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