Le président de la République souhaite dépénaliser le délit d’entrave

Événement par Mathieu Lapprand

Coupant court à la négociation sur la modernisation du dialogue social qu’il a lui-même souhaitée, le président de la République annonce la remise en cause des peines pénales liées au délit d’entrave.

Encore plus fort qu’Aladin qui était limité à trois vœux, le Medef voit tous ses souhaits se réaliser. Dans le livre jaune du patronat, paru fin septembre, apparaît la revendication d’une réforme du délit d’entrave. Aussitôt demandée, aussitôt exaucée, comme l’a révélé le site actuEL-RH le 20 octobre. La veille, devant le Conseil stratégique de l’attractivité, le président de la République avait rassuré les patrons qui lui faisaient face : « Les peines pénales associées au délit d’entrave – qui parfois même pouvaient être des peines de prison qui n’étaient bien sûr jamais prononcées mais qui néanmoins pouvaient inquiéter –, seront remplacées par des sanctions financières, et c’est mieux qu’il en soit ainsi. » Un remplacement qui devrait être examiné dans le cadre des négociations sur la modernisation du dialogue social.

Le délit d’entrave est aujourd’hui caractérisé lorsque l’employeur remet en cause l’exercice du droit syndical, empêche, freine la constitution ou le fonctionnement d’un comité d’entreprise ou d’un CHSCT. Mais également en cas d’entrave à la constitution d’un groupe spécial de négociation, d’un comité d’entreprise européen ou à la mise en œuvre d’une procédure d’information et de consultation. Si ce délit pénal est constaté, l’employeur peut être sanctionné par une peine de prison d’un an et une amende de 3 750 euros, un montant dérisoire pour les grands groupes.

La défiance vis-à-vis des représentants des salariés

Mais « seule la potentielle sanction pénale est aujourd’hui dissuasive », rappelle Marie-Alice Medeuf-Andrieu, Secrétaire confédérale de FO : les sanctions financières concernant le nombre d’handicapés dans l’entreprise ou l’égalité salariale hommes/femmes montrent que les employeurs sont beaucoup plus enclins à payer une amende ou des pénalités qu’à respecter la loi. « De quel montant sera la pénalité en cas de non-tenue d’élections ? », interroge Marie-Alice Medeuf-Andrieu. Chargée de conduire les négociations sur la modernisation du dialogue social, elle poursuit : « C’est la même philosophie qui est poursuivie, après la remise en cause des seuils sociaux, vis-à-vis du dialogue social : le dernier symbole psychologiquement contraignant pour les employeurs est remis en cause. »

Alors que les négociations débutent à peine, le président de la République commence par céder aux revendications patronales. Une conception étrange de la « modernisation du dialogue social », à moins de considérer qu’il doit avant tout s’agir d’un monologue patronal.

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante