Le projet de réforme des retraites en voie de réactivation ?

InFO militante par Valérie Forgeront

Eric TSCHAEN/REA

Le nouveau Premier ministre, Jean Castex, reçoit, les organisations syndicales et patronales ces 9 et 10 juillet dans le cadre de réunions bilatérales, pour évoquer les différents sujets sociaux d’actualité. FO a été reçue aujourd’hui. Une rencontre multilatérale est prévue le 17 juillet. D’ores et déjà, dans ce contexte de grave crise économique et sociale, la détermination de l’exécutif à reprendre en main le dossier du projet de réforme des retraites, suspendu le 16 mars, interroge. Ce 9 juillet, FO a redit les raisons de son opposition au système universel par points.

La réforme des retraites ? Personne n’en veutrappelait le 7 juillet le secrétaire général de la Confédération à l’occasion d’une interview. Pendant deux ans et demi, on a eu des concertations, des débats publicset le gouvernement n’a jamais réussi à expliquer vraimentsa réforme et encore mois à convaincre.

A peine nommé Premier ministre, Jean Castex remet cependant sous les projecteurs la réforme des retraites, suspendue le 16 mars pour cause de crise Covid et de confinement. Cela après l’utilisation par le gouvernement d’Édouard Philippe, le 28 février, du dispositif 49.3 pour faire adopter le projet qui était alors en examen en première lecture à l’Assemblée.

Si la plupart des organisations syndicales et particulièrement FO a revendiqué pendant six mois avant le confinement, notamment par des grèves et des manifestations nationales, l’abandon de ce projet de réforme inique organisant un régime universel de retraite par points, la revendication perdure. D’autant plus forte que la crise économique et sociale affiche déjà sa rudesse et rend encore plus hors-sol la perspective même d’une telle réforme.

Une réunion multilatérale le 17 juillet

Le nouveau Premier ministre qui conviait les 9 et 10 juillet, les organisations syndicales et patronales à Matignon dans le cadre de bilatérales, cela afin d’évoquer différents sujets, a toutefois d’ores et déjà remis sur la table la réforme des retraites. Tel un sujet parmi d’autres. Ce 9 juillet, le Premier ministre a ainsi évoqué l’emploi, dont l’emploi des jeunes, le plan de relance à établir, l’assurance chômage, le partage de la valeur, la dépendance, les retraites. Il a aussi fait référence aux négociations en cours sur la santé au travail et le télétravail et au dossier de la restructuration des branchesprécisait la confédération FO à l’issue de la rencontre. Le gouvernement annonçait l’organisation d’une réunion multilatérale ou conférence de méthodesur tous ces sujets le 17 juillet.

En amont de ces bilatérales, Jean Castex déclarait dans les médias que refuser de parler des retraites lorsque l’équilibre des comptes, et donc la sauvegarde du système actuel se trouve compromise, serait irresponsable. Devant les députés, le Premier ministre avait indiqué dès le 8 juillet la détermination du gouvernement pour cette réforme de fond à laquelle nous ne renoncerons pas. Et de préciser que seraient traités séparément le dossier du futur régime universel (il prévoit une reprise des discussions en 2021) et celui du financement du système actuel. Interviewé ce 9 juillet par le quotidien Libération, Yves Veyrier évoquait le piègeporté par la séparation de ces deux dossiers.

Ce même jour, à Matignon, FO a ainsi rappelé que ce déséquilibre actuel des régimes de retraites (évalué par le Conseil d’orientation des retraites à 30 milliers d’euros pour 2020 contre 4 milliards avant la crise) n’était en rien dû au système lui-même, mais qu’il était à l’égal de l’impact financier plus général de la crise actuelle sur les régimes sociaux, les recettes fiscales, et l’activité.

Et pour FO cette question (du déséquilibre, Ndlr) ne peut être dissociée du traitement plus global de la dette Covid, qui ne peut être imputée à chaque régime au risque de conduire à une impasse n’offrant pas d’alternative, en ce qui concerne les retraites, à une mesure d’âge (recul de l’âge légal, âge pivot ou accélération de l’allongement de la durée de cotisation). En effet, si le Premier ministre ne ferme pas la porte à l’une ou l’autre des pistes, il a tout lieu de penser que nous ne trouverions pas d’accord sur le volet recettes (hausse de cotisations).

La priorité devait être à la protection des emplois et des salaires

La confédération a insisté lors de cette rencontre à Matignon sur la nécessité de conditionner et contrôler les aides publiques rappelant que depuis ces dernières années le montant des aides publiques aux entreprises s’élevait au bas mot à 140 milliards d’euros par an, soit près de la moitié du volume total des prestations de retraites (environ 320 milliards d’euros). Pour FO il serait donc judicieux de dresser un bilan des effetsde ces aides sur l’activité et l’emploiet qu’une réorientation en tout ou partie de ces aides mériterait d’être examinée.

Dès la fin juin, alors que le murmure d’une réactivation du projet de réforme des retraites devenait de plus en plus perceptible, la confédération FO, par la voix de son secrétaire général, avait invité l’exécutif à ne pas remettre du sel sur les plaies auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui mais à jouer l’apaisement. Alors que la crise fait des ravages -l’Unédic évalue que 900 000 suppressions d’emplois auront lieu d’ici la fin de l’année- la préservation des emplois et la présentation d’un plan de relance constituent les vrais dossiers à traiter.

Une nouvelle tentative d’attaque du système de retraite serait donc inconcevable, d’autant que l’actuel fonctionnetrès bien rappelait Yves Veyrier. Ce 9 juillet, devant le Premier ministre, FO a ainsi réaffirmé que la priorité devait être à la protection des emplois et des salaires, que l’on ne devait pas séparer, à la fois pour les salariés concernés et d’un point de vue économique. Le discours des pouvoirs publics et les politiques en la matière doivent donner confiance aux salariés et non générer une double inquiétude tant sur le devenir de l’emploi que du salaire.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante