Le règlement intérieur : quand est-il opposable aux salariés ?

Droit disciplinaire par Secteur des Affaires juridiques

Depuis le 1er janvier 2020, la mise en place d’un règlement intérieur (RI) est obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés (20 salariés auparavant) : cf. articles L 1321-1 à L 1321-6 et R 1321-1 à R 1321-5 du code du travail.

Selon l’article L 1321-1 du code du travail, le RI est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement :

  les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les instructions prévues à l’article L 4122-1 ;
  les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu’elles apparaîtraient compromises ;
  les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur.

Les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L 1321-1 et L 1321-2 sont, lorsqu’il existe un RI, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ainsi, les notes de services prises dans ces matières sont également soumises aux formalités de consultation et de publicité.

Préalablement à son entrée en vigueur, le RI ou la note de service est soumis à l’information/consultation du CSE. La consultation du CSE pour avis vaut également en cas de modification par l’employeur du RI. Le RI indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité auprès du greffe du conseil de prud’hommes. En même temps qu’il fait l’objet des mesures de publicité, le RI, accompagné de l’avis du comité social et économique, est communiqué à l’inspecteur du travail.

Le RI doit être porté par tout moyen à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail et aux locaux où se fait l’embauche (affichage à l’entrée d’un atelier, diffusion sur le site intranet de l’entreprise par exemple).

Lorsque le RI est modifié sur injonction de l’inspecteur du travail, il n’a pas à être soumis de nouveau à la consultation des représentants du personnel (Cass. soc., 23-6-21, n°19-15737). On peut penser qu’il en sera de même lorsque la modification du RI résultera d’une décision de justice.

Toutefois, lorsque le RI fait l’objet d’une modification, l’employeur doit renouveler la procédure de dépôt et de publicité. Ces dispositions s’appliquent quelle que soit la cause de la modification ou du retrait des clauses du RI.

En cas de modification du règlement intérieur, l’employeur n’est pas, malgré tout, tenu de modifier sa date d’entrée en vigueur pour qu’il soit opposable aux salariés (Cass. soc., 23-6-21, n°19-15737 : dès lors que diligences prévues à l’article L. 122-36 du code du travail ont été accomplies, le règlement intérieur modifié entre en vigueur après la dernière date d’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité).

A noter qu’un document interne, par lequel l’employeur se borne à rappeler les dispositions législatives et réglementaires applicables dans l’entreprise en matière de sécurité, ne crée pas de nouvelles obligations générales et permanentes s’imposant aux salariés et ne constitue donc pas une adjonction au RI. Autrement dit, l’adjonction de ce document au RI ne requiert pas les formalités de consultation et de publicité prévues à l’article L 1321-4 du code du travail.

Un règlement non soumis au CSE ou ne respectant pas les règles de dépôt et de publicité est nul et ne peut pas trouver à s’appliquer valablement. Il est inopposable aux salariés. Le cas échéant, c’est le texte modifié après l’avis du CSE qu’il faut transmettre à l’inspecteur du travail. L’absence de toute décision de l’inspecteur du travail suite à la communication du RI ne fait pas obstacle à son entrée en vigueur.

L’inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions non conformes aux prescriptions légales. Si l’inspecteur du travail tarde à se prononcer sur le contenu du RI, il appartient aux organisations syndicales ou aux institutions représentatives du personnel de le saisir par courrier pour lui rappeler les problèmes posés. Sa décision motivée doit être notifiée à l’employeur et communiquée, pour information, aux membres du CSE. L’employeur, les salariés ou leurs représentants ont la faculté d’exercer un recours hiérarchique contre la décision de l’inspecteur du travail dans les 2 mois auprès de la direction régionale du travail ou un recours contentieux devant le tribunal administratif dans le même délai. La décision du directeur régional du travail peut faire l’objet d’un recours hiérarchique devant le Ministre. Le silence du Ministre pendant 4 mois vaut décision de rejet.

Saisi par un salarié à l’occasion d’un litige individuel, le conseil de prud’hommes peut lui aussi écarter l’application d’une clause du RI contraire aux prescriptions légales.

La juridiction de droit commun, en l’occurrence le tribunal judiciaire (ex TGI), peut connaître d’une action principale d’un syndicat en annulation d’une ou plusieurs clauses du RI sur lesquelles l’autorité administrative ne s’est pas prononcée. Le RI est un acte juridique de droit privé et le contrôle de légalité dévolu à l’inspecteur du travail n’a pas pour effet de le transformer en un acte administratif.

Un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d’une entreprise en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l’absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente. En revanche, un syndicat n’est pas recevable à demander au tribunal judiciaire, par voie d’action au fond, la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel (Cass. soc. 21-9-22, n°21-10718).

 

 

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