Le salaire minimum en Europe refait parler de lui, mais pour combien de temps ?

Dumping social par Nadia Djabali

Un rapport de l’Assemblée nationale souhaite inscrire le salaire minimum en Europe dans l’agenda social des 28. Opération de communication ou réelle volonté politique ?

La ministre du Travail aurait-t-elle des choses à se faire pardonner ? Sans doute, à en croire le cérémonial organisé rue de Grenelle le 19 octobre 2016. Ce jour-là, Myriam El Khomri et Harlem Desir, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes recevaient le rapport du député Philip Cordery sur le salaire minimum au sein de l’Union européenne.

Une fois les discours prononcés, un temps d’échange avec la presse était organisé autour d’un rapport rédigé il y a… quatre mois. Le texte élaboré sous le regard attentif de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a été déposé à la présidence le 21 juin 2016 puis mis en ligne le 13 juillet 2016.

Quoi qu’il en soit, la problématique du salaire minimum dans l’UE reste tout de même d’actualité. Elle résonne notamment avec les pourparlers sur le socle européen des droits sociaux actuellement menées au sein de l’UE.

La CES souhaite une augmentation salariale

Dans la même veine, la Confédération européenne des syndicats va prochainement lancer une campagne intitulée « l’Europe a besoin d’une augmentation salariale » qui sera suivie d’une conférence sur la problématique des bas salaires en Europe.

Le rapport de Philip Cordery pointe deux objectifs à la création d’un salaire minimum en Europe : celui de la convergence salariale et celui de la lutte contre la pauvreté.

Pour ce faire, le texte préconise, très prudemment, la mise en place des « conditions favorables à une convergence en douceur qui ne déstabilise pas les marchés mais mette en œuvre à moyen terme le nécessaire rapprochement des niveaux de salaires. »

Une demande pas si aisée à transformer en réalité, compte tenu des fortes disparités de standards en matière de salaire et de mode de fixation de ces derniers dans les 28 pays de l’Union. Dans certains États, c’est la loi qui définit le montant du salaire minimum. Dans d’autres, c’est la négociation entre organisations patronales et syndicats de salariés qui s’en charge.

Des écarts importants en Europe

Sur les 28 pays de l’UE, 22 ont établi un salaire minimum mais les écarts sont importants et les heures travaillées divergent selon les pays. Avec 184 euros brut par mois, la Bulgarie possède le salaire minimum le plus bas. En haut de l’échelle se trouve le Luxembourg et ses 1923 euros. La France, elle, apparait en sixième position avec 1458 euros brut.

Six États n’ont pas mis en place de salaire minimum légal : l’Italie, Chypre, la Finlande, l’Autriche, la Suède et le Danemark.

Mettre en place un mécanisme de fixation d’un salaire minimum permettrait de lutter contre le dumping social qui fait rage en Europe, argumente Philip Cordery. Des pratiques très répandues dans l’agro-alimentaire, le bâtiment, les travaux publics, et le transport de marchandises. Également en ligne de mire : l’usage de travailleurs détachés dont la pratique bien que marginale (elle concerne 1% de la population en âge de travailler) connaît une croissance à deux chiffres : +44 % depuis 2010.

Les préconisations des députés

La Commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale a émis un certain nombre de préconisations sur les modalités de mise en place de ce mécanisme. Elle souhaite que le sujet soit inscrit dans le socle européen des droits sociaux. Elle ajoute que les partenaires sociaux doivent faire partie intégrante tant au niveau de la réflexion générale que dans le fonctionnement d’une instance nationale qui définira le niveau de salaire minimum dans chaque État. Un souhait qu’il reste à préciser. Cela signifie-t-il qu’en France, l’État ne sera plus seul à décider du montant du Smic et de sa revalorisation ?

Les députés souhaitent en outre qu’une conférence salariale européenne émette des recommandations à la Commission européenne avant le Conseil européen de printemps sur le niveau de salaire minimum de chaque État, avec comme objectif d’organiser la convergence, d’éviter les déséquilibres macroéconomiques et le dumping social ; Enfin, demande est faite à la Commission européenne d’inclure dans les recommandations par pays du semestre européen la question du salaire minimum.

L’UE n’a pas les compétences

Vœux pieux ou souhait réel que l’Union européenne lance enfin son volet social ? La mise en place d’un tel mécanisme ne risque pas d’avoir lieu avant longtemps. D’abord parce que la compétence de l’Union européenne ne s’applique pas aux rémunérations. Ensuite parce que pour le moment, comme disent les militants, le rapport de force à la Commission européenne ne joue pas en la faveur d’un Smic en Europe. Irlandais, Grecs, Portugais et Chypriotes en savent quelque chose. En Grèce, une étude remise récemment au ministère du travail indique que 127 000 salariés perçoivent 100 euros brut par mois. Et 343 760 salariés grecs touchent un salaire mensuel brut situé entre 100 et 400 euros.

A chaque fois que la Commission a osé s’aventurer sur le terrain salarial, elle ne s’est pas inscrite dans le sens d’une revalorisation des rémunérations. Ils gardent un souvenir de l’intervention de la Troïka, constituée par le Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI qui avaient demandé des coupes dans les salaires ou des gels de rémunérations.

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante

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