2023 : Pour ses 53 ans, le Smic n’a toujours pas eu de coup de pouce

InFO militante par Christophe Chiclet, L’inFO militante

© Michel GAILLARD/REA

Le salaire minimum interprofessionnel de croissance, créé pour limiter les inégalités de salaires, reste dans le collimateur des néolibéraux, l’accusant de nuire à l’emploi et d’accroître le coût du travail. Depuis plus de dix ans, ce filet de protection pour les salariés modestes est privé de coup de pouce.

Au départ était le Smig (Salaire minimum interprofessionnel garanti). Cependant à sa création en 1950, le bât blessait déjà. Il existait des différences de niveau, régionales, allant jusqu’à 8 %. Mais surtout le patronat disposait de la possibilité de fixer un salaire de base inférieur, si bien que les entreprises gardaient une large autonomie salariale. En prime, il n’existait pas d’échelle mobile (ajustement des salaires sur la hausse des prix). Après les grandes grèves de 1953, où la toute jeune CGT-FO était bien présente, l’État doit donner un fort coup de pouce au Smig. Une loi de 1957 permettra au salaire minimum d’être en partie indexé. Pendant les dix années suivantes, le Smig augmentera de 70 %. Mais nous sommes encore loin du compte car dans le même temps les salaires moyens augmentent eux de 140 %. À la veille des grandes grèves de mai 68, les « smigards » sont surtout des « smigardes » (textile, agroalimentaire). Beaucoup de salariés ne dépassent le salaire minimum que de peu, grâce aux primes d’ancienneté. L’existence du Smig n’a donc en rien empêché le creusement des inégalités salariales. C’est ce qui sera vivement critiqué par les syndicats en mai-juin 1968. Lors des négociations de Grenelle, en juin, ils obtiennent une augmentation du Smig de 35 % et la fin des disparités régionales. Le 2 janvier 1970, le Smic est créé. Le gouvernement de l’époque veut montrer qu’il fait bénéficier les plus bas salaires de la croissance des Trente Glorieuses, une meilleure répartition des richesses étant le moteur des revendications de la classe ouvrière en 1968.

Pas de coup de pouce depuis plus de dix ans

Avec la crise économique qui débute en 1974, le chômage de masse apparaît et perdure. Le nombre de « Smicards » augmente. Les patrons, en position de force sur le marché du travail des peu ou pas qualifiés, trouvent sans mal du personnel taillable et corvéable à merci, mais surtout bon marché. Parallèlement, c’est le retour en force des théories libérales du marché du travail, qui considèrent le Smic comme un obstacle au plein-emploi. Ces émules de l’école de Chicago, adeptes d’un néolibéralisme sauvage, estiment que le coût du travail non qualifié serait trop élevé ! D’où les multiples mesures prises pour diminuer le « coût » des bas salaires, notamment en exonérant les employeurs de cotisations sociales. Autant dire une attaque frontale du salaire différé. Ce mouvement, entamé depuis plus de trente ans, se poursuit.

Alors qu’en cette nouvelle année, le Smic vient de « fêter » ses 53 ans, le gouvernement a décidé, une nouvelle fois, de ne lui accorder aucun coup de pouce. En ce 1er janvier 2023, le Smic n’a donc connu qu’une hausse automatique (1,8 %), une revalorisation du Smic horaire (net) de... seize centimes. Le dernier coup de pouce, très léger (+ 0,6 %), date de juillet 2012.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération