Le syndrome aérotoxique serait-il lié à la politique outrancière de rentabilité menée par l’aviation civile ?

Événement par Valérie Forgeront, FEETS-FO

© SNPNC-FO

C’est le combat du pot de terre contre le pot de fer. Soutenus par des scientifiques, des personnels du transport aérien, dont le syndicat FO des personnels navigants commerciaux (SNPNC FO), militent sur le plan international pour que les compagnies et les constructeurs admettent la réalité du risque de toxicité de l’air des cabines des avions, prélevé par les moteurs, et des maladies qui en découlent.

L’air que l’on respire dans un avion à réaction est-il dangereux pour la santé ? Il peut l’être dans certaines circonstances. C’est ce que soutiennent des pilotes et navigants commerciaux (PNC) de par le monde. À travers des associations internationales comptant des scientifiques, ces professionnels s’efforcent depuis près de vingt ans d’obtenir des puissantes compagnies aériennes (4 milliards de passagers par an dans le monde) et des avionneurs, tout aussi puissants, qu’ils admettent l’existence d’un problème de contamination potentielle de l’air en cabines. Ces navigants demandent qu’un lien soit reconnu entre les pathologies développées par des salariés de compagnies – ou des passagers – et le caractère parfois toxique de l’air en avion. Ils veulent une reconnaissance de ce qu’on nomme depuis 1999 le syndrome aérotoxique. « Celui-ci est connu depuis 1939, signalé par le service médical de l’armée américaine », indique un commandant de bord, atteint du syndrome et en arrêt maladie depuis un an et demi. Ce syndrome se traduit par divers symptômes (vision floue, insuffisance respiratoire, vertiges, vomissements…) de courte durée ou chroniques, bénins ou graves et pouvant entraîner des maladies invalidantes voire fatales. S’il existe des travaux médicaux prouvant que les maux dont souffrent certains navigants ne sont pas des élucubrations, si un constructeur comme Airbus juge nécessaire de préconiser un protocole de décontamination de ses avions en cas d’événement toxique, si une compagnie comme EasyJet vient de se saisir du problème d’aérotoxicité en promettant l’installation de filtres (pour l’instant à l’état de prototype), si des rapports de l’OMS ou encore de l’Organisation de l’aviation civile internationale s’inquiètent de l’aérotoxicité, si des parlementaires (en Australie, Allemagne, Grande- Bretagne, etc.) ont soulevé eux aussi le problème… Les navigants, eux, attendent toujours que ce syndrome soit reconnu en tant que maladie professionnelle.

Des joints pas forcément étanches

Leur combat est d’autant plus difficile que la manifestation de l’aérotoxicité est subtile. Le phénomène se traduit par des émanations (fume event) qui, au-delà d’une odeur nauséabonde, ne montrent aucune visibilité. D’autant moins en l’absence de détecteurs. Il peut également se manifester par de la fumée (smoke event). Le phénomène peut aussi être totalement indétectable, mais néanmoins présent via des particules toxiques imprégnant parois, sièges et autres mobiliers en cabine. Cette toxicité, qui peut nécessiter le déroutement en urgence de l’avion, trouverait sa cause dans la manière de produire l’air pressurisé. Les avions à réaction (hormis le Boeing 787, doté d’un système électrique donc propre) utilisent, pour des raisons de coûts et pour alléger leur poids, l’air entrant dans les réacteurs pour produire celui des cabines. Cet air prélevé, réchauffé et compressé, suivra tout un circuit avant d’être diffusé dans l’avion.

Il rencontrera un filtre à air biologique « qui n’arrête donc pas les produits chimiques », indique Stéphane Pasqualini, chef de cabine à Air France, membre du CHSCT et spécialiste de l’aérotoxicité pour le syndicat FO des PNC (SNPNC FO). « Le problème de la contamination de l’air prend sa source au niveau des moteurs », qui utilisent bien sûr de l’huile, laquelle contient moult composés toxiques (dont des neurotoxiques) qui chauffés à haute température le sont davantage encore. Lorsque les joints intérieurs des moteurs sont usés voire défectueux, l’huile peut les franchir et s’infiltrer dans l’air compressé, indique Stéphane Pasqualini. Les événements toxiques en cabine sont fréquents, assure-t-il. Propos relayés par un pilote fustigeant l’attitude de déni des compagnies.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

FEETS-FO Équipements, environnement, transports et services