Le temps de travail, un nouveau levier pour en baisser le coût ?

Emploi et Salaires par Mathieu Lapprand

Les agents de l’AP-HP refusent de payer la note du pacte de responsabilité au prix de leurs conditions de travail. © F. BLANC

Quand, austérité oblige, le secteur hospitalier doit faire des économies, ce sont dorénavant les conditions de travail des agents qui sont visées et deviennent la variable d’ajustement des dépenses de santé.

Des milliers d’agents ont de nouveau défilé à Paris le 28 mai dernier contre le projet de « réorganisation du travail » de Martin Hirsch, le directeur de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), après une première manifestation très suivie le 21 mai. Toutes les organisations syndicales ont refusé de négocier le projet porté par la direction devant sa conception du dialogue social : soit celles-ci acceptent de revenir sur des droits acquis, soit la direction supprimera unilatéralement 4 000 emplois pour tenir ses objectifs d’économies. Or les économies envisagées sont issues du pacte de responsabilité et planifiées par le gouvernement dans le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale : les hôpitaux devront, d’ici à 2017, économiser 860 millions d’euros en « maîtrisant leur masse salariale ».

Aux agents de supporter les économies prévues par le pacte de responsabilité

Figure de proue de l’hospitalisation à la française, l’AP-HP compte 38 établissements, 95 000 professionnels dont 75 000 agents. Le projet contesté vise à faire supporter par les agents les économies prévues dans le pacte de responsabilité. Il prévoit notamment de réduire le temps de travail quotidien afin de résorber le stock de RTT accumulées. Les grévistes pointent notamment l’impact de cette réduction du temps de travail quotidien sur la qualité des communications entre deux équipes. Transmettre en moins de 30 minutes les informations de 30 à 35 patients aurait des conséquences sur la qualité des soins. FO dénonce non seulement un plan qui va « aggraver la désorganisation des plannings et la vie de famille des personnels », mais également le « ballon d’essai » que constitue cette remise en cause d’acquis sociaux : si ce projet passe à l’AP-HP, il pourrait alors s’étendre à d’autres établissements.

« Derrière la réorganisation du travail proposée par Martin Hirsch, il n’y a pas seulement la réduction du temps de travail quotidien qui aboutirait à la perte sèche de jours de RTT, il y a surtout l’enjeu d’une individualisation du travail, d’une déréglementation du fonctionnement des équipes qui seraient sollicitées en fonction des pics d’activité des médecins », rappelle Emmanuel Cabo, Secrétaire général de FO AP-HP.

La spécificité de la mobilisation à l’AP-HP réside aujourd’hui dans la clarté du mot d’ordre, le retrait du projet, et dans l’unité syndicale qui porte cette revendication. En fin de semaine dernière, devant le blocage de la direction, certaines assemblées générales appelaient à passer des journées de grève hebdomadaire (des 21 et 28 mai) à la grève jusqu’au retrait du projet. -

Décryptage : Les conditions de travail du secteur hospitalier
À l’hôpital, nombreux sont les salariés à déplorer la dégradation de leurs conditions de travail. En 2013, une enquête produite par la Dares montrait que 39,7 % des agents de la fonction publique hospitalière « doivent faire trop vite une opération qui demanderait davantage de soins », soit 12 points de plus que la moyenne des salariés. La même étude montrait l’intensification du travail pour les salariés du secteur hospitalier, qui considéraient à 63 % devoir « toujours ou souvent se dépêcher pour faire leur travail », contre 55 % lors de l’étude précédente en 2003.

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante