L’article du New York Times fait froid dans le dos. Intitulée « quand vous composez le 911 [numéro des services d’urgence-NDLR], c’est Wall Street qui répond », l’enquête du journal américain dénonce les effets désastreux de l’arrivée de fonds de capital investissements dans des activités relevant du service public.
Pompiers et ambulanciers et surtout populations secourues sont en première ligne et constatent à leur dépens, que profits à court terme et opérations de premier secours ne font guère bon ménage.
Réduction des coups et faillites
À la suite de la réforme du système de santé par l’administration Obama, des fonds de private equity, comme Patriarch Partners ou Warberg Pincus se sont frotté les mains. Ils ont parié sur l’accroissement de la sous-traitance privée dans le secteur de la santé et y ont immédiatement vu une expansion rapide de leur chiffre d’affaires.
Ces fonds se sont donc lancés dans des acquisitions d’entreprises d’ambulances et de lutte contre les incendies. Pour les acquérir, des emprunts ont été effectués. Mais la dette a été supportée par les entreprises acquises. Résultat : Le remboursement de la dette a généré une politique très agressive de réduction des coups.
Les boites exsangues n’ont plus été en mesure de fournir les services de bases. Certaines ont fait faillite dans des zones qu’elles étaient les seules à couvrir. D’autres ont survécu tant bien que mal avec du matériel et des véhicules dégradés faute de budget pour effectuer la maintenance.
Menace pour la sécurité publique
L’arrivée de ces investisseurs s’est rapidement transformé en scénario catastrophe : Décès dus au manque de réactivité des compagnies d’ambulance. Ambulanciers new-yorkais qui puisent « discrètement » dans les réserves d’hôpitaux pour se réapprovisionner en fournitures médicales. Une maison totalement réduite en cendre après un incendie de cheminée. Les secours sont arrivés trop tard mais ont quand même poursuivi en justice le propriétaire de la maison qui avait refusé de payer les 15 000 $ de facture. Et que dire de ce nourrisson poursuivi par une agence de recouvrement lui réclamant 761 $ pour être né dans une ambulance.
La liste est longue et pour la plupart des cas les personnes appelant au secours n’étaient même pas au courant que les services ne dépendaient plus du gouvernement et qu’ils leurs seraient facturés au prix fort.
La situation est suffisamment catastrophique pour que le maire de Mount Vernon, une bourgade de l’État de New York qualifie la gestion de ces services par les fonds d’investissement de « menace pour la sécurité publique ».
Une chaîne de traités de libre-échange
Ce scénario désastreux pourrait bien s’étendre au-delà des États-Unis s’inquiète pour sa part, l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration (UITA-IUF), la fédération internationale de syndicats représentant les travailleuses et travailleurs employés dans l’agriculture et les plantations.
Dans la ligne de mire de l’UITA : la chaîne de traité de libre-échange actuellement en négociation à travers le monde. Un vaste mouvement de mise en vente des services publics avec l’accord de partenariat Trans-pacifique, négocié dans le plus grand secret par les États-Unis et 11 pays riverains de l’océan. Le TTIP actuellement en discussion entre l’Europe et les États-Unis, le Ceta entre le Canada et l’Europe et enfin le Tisa, accord sur le commerce et les services sur la table de l’organisation mondiale du commerce.
Services publics en vente
Ces traités ouvrent tous les services publics à la concurrence et à leur gestion privée et ce sans restrictions nationales. « Le Tisa met potentiellement tout service public en vente », s’indigne l’UITA. Les gouvernements essaient systématiquement d’apaiser les critiques en faisant valoir que ces accords exemptent les "services exercés dans l’exercice de l’autorité gouvernementale." (…) mais l’Accord général de l’OMC sur le commerce des services (AGCS) limite de tels services aux monopoles gouvernementaux exclusifs dans lesquels il n’y a pas de "présence commerciale". Aucun service public répond à ce critère ».
De nombreux services publics sont déjà partiellement investis par le secteur privé. Comme par exemple en France les nombreux partenariats publics privés qui ont été signés ces 10 dernières années.
Autre écueil soulevé par l’UITA, la plupart des négociations en dehors de l’OMC fonctionnent sur le principe d’une liste négative. Cela signifie que tous les services non spécifiquement désignés dans un cycle de négociation comme étant exclu des accords sont potentiellement ouverts aux investisseurs internationaux.
De quoi cloner la situation des ambulanciers et des pompiers sur l’ensemble de la planète et l’étendre à l’ensemble des services publics.