Depuis plusieurs mois, les dysfonctionnements sont devenus le quotidien dans les caisses d’allocations familiales (CAF). Pour les allocataires, cela se traduit par un retard ou une diminution des versements des aides au logement. Pour les agents, la charge de travail se fait de plus en plus importante. En cause ? La réforme des aides au logement, appliquée depuis le 1er janvier 2021. Désormais, le montant de ces aides – Aide personnalisée au logement (APL), Allocation de logement social (ALS) et Allocation de logement familial (ALF) – est calculé de façon trimestrielle sur la base des revenus des 12 derniers mois, et non plus une seule fois par an sur les revenus remontant à deux ans comme c’était le cas auparavant.
Une baisse de revenus pour 41 % des allocataires
Le gouvernement a présenté cette réforme comme ‘plus juste’ mais elle est surtout économique, et permet notamment d’économiser 750 millions d’euros
, souligne Laurent Weber, secrétaire de la section fédérale des organismes sociaux de FEC-FO. Encore une fois, ces économies sont faites sur le dos des plus précaires : les foyers qui touchent les allocations ont des revenus modestes et on leur enlève encore un peu plus.
Selon une étude, consultée par le média Les Échos, 41 % des allocataires ont observé une baisse de leurs versements.
Les problèmes liés aux aides au logement se répercutent également sur d’autres aides ou sources de revenus que peuvent toucher les allocataires. Les retards de versements ont des conséquences dans la chaine des prestations sociales, et cela est toujours au détriment des personnes précaires qui voient leurs ressources diminuer
, précise Frédéric Neau, membre du bureau de la section fédérale et délégué syndical à la CAF d’Angers (Maine-et-Loire).
Des heures supplémentaires qui deviennent « obligatoires »
Cette réforme impacte également les agents des CAF qui doivent faire face à un nouveau logiciel informatique et des ajustements techniques compliqués. « D’un point de vue technique, c’est une catastrophe,
Ainsi, les tâches s’accumulent et les effectifs restent insuffisants, pointe FO. Ce problème des effectifs est ancien mais il devient d’autant plus important avec la mise en place de cette réforme,
La FEC-FO demande l’arrêt des suppressions d’emplois et l’embauche en CDI des effectifs nécessaires pour permettre au personnel des CAF d’exercer leurs missions dans des conditions normales !
. La convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 prévoit la suppression de 1 200 postes, notamment des départs qui ne sont pas remplacés.
Dans ce contexte, les conditions de travail des agents au sein des CAF se détériorent. Toutes prestations confondues, on estime à 5 millions le nombre de documents qui sont actuellement en attente de traitement, soit un doublement des stocks depuis la fin de l’année 2020. Il y a des CAF qui tournent grâce aux heures supplémentaires des agents qui travaillent le samedi. Les heures supplémentaires sont censées être un recours exceptionnel, mais cela devient le quotidien !
, s’indigne Laurent Weber. D’autant que, si ces heures doivent être sur la base du volontariat, dans certaines CAF, elles deviennent obligatoires
, ajoute Frédéric Neau.
Une dégradation informatique et humaine
dans les services
Surtout, les agents se retrouvent face aux allocataires pour leur expliquer les retards ou la diminution de leurs allocations. Aux accueils, la tension est forte et le désarroi s’exprime, parfois de manière violente, directement envers les personnels. À Perpignan, une personne a sorti un couteau devant les agents. Leur sentiment d’insécurité grandit
, souligne Laurent Weber.
Pour ces agents, se pose aussi la question du sens de leur travail. Ils ont l’impression de ne plus faire leur travail. Cela revient de plus en plus dans leurs propos,
Pour le délégué syndical, c’est une dégradation informatique et humaine
dans les services, ce qui signifie une détérioration de la capacité de réaliser la mission de qualité due aux usagers.
Une délégation au ministère pour le 29 juin ?
Des appels à la grève ont été localement lancés par des agents de manière spontanée, comme à Angers en février. C’est vraiment une demande qui vient du terrain que le syndicat accompagne,
, estime de son côté Frédéric Neau. Mais pour eux, une chose est sûre, il est impossible de rester les bras croisés
face à cette situation.