Les aléas de la décentralisation

Histoire par Christophe Chiclet

Les premiers États-nations européens se sont bâtis avec une idéologie centralisatrice forte, ciment indispensable de leur pouvoir. Or, depuis plus de quarante ans la France réforme son organisation administrative territoriale.

Le royaume de France commence son expansion territoriale à partir du XIIe siècle par des mariages, des guerres contre les pays voisins et l’annexion de régions indépendantes. Le roi doit aussi faire face à l’autonomie de ses propres vassaux, grands seigneurs qui prélèvent les impôts à leur seul profit. Avec les débuts de l’absolutisme sous Louis XIII, ces derniers se révoltent entre 1648 et 1652 (la Fronde). Sous Louis XIV et Louis XV, le Nord, la Lorraine, la Franche-Comté, le Roussillon et la Corse passent sous la domination de Paris, ou plutôt de Versailles. Sous l’Ancien Régime, la Nation est structurée en provinces, qui gardent leurs propres privilèges et libertés.

En septembre 1789 les provinces d’Ancien Régime sont abolies et remplacées, en janvier 1790, par quatre-vingt-trois départements divisés en cantons et communes (41 000 à l’époque, moins de 35 000 aujourd’hui).

La France républicaine

La Révolution se divise entre Jacobins et Girondins. Les seconds s’opposent à ce que toutes les décisions soient prises uniquement à Paris, sans concertation. Napoléon Ier accentue, lui, la centralisation bureaucratique du pays.

Pour une nouvelle gestion du territoire, la Ve République gaullienne va dessiner les prodromes de la décentralisation (décret du 14 mars 1964). La loi du 5 juillet 1972 crée, elle, les vingt et une « Régions programmes », mal découpées historiquement et économiquement, qui deviendront vingt-deux avec la Corse. Au 1er janvier 2016 elles seront regroupées en seulement treize régions, ce qui ne gomme pas les aberrations de 1972 et crée qui plus est des superstructures, chefs de file du développement économique sur le territoire régional.

C’est en 1982 que les lois Defferre transforment les régions en collectivités territoriales dotées de leurs propres budgets et dont les conseillers seront élus au suffrage universel à partir de 1986. Au fur et à mesure des réformes (dont la loi MAPTAM en 2014 ou encore la loi NOTRe en 2015, qui a supprimé la clause générale de compétence des régions et des départements au profit de spécialisations), les collectivités territoriales, notamment les régions, voient leurs prérogatives augmenter : transports, ports, aéroports, formation professionnelle, apprentissage, éducation, gestion des déchets et de la qualité de l’air, protection du patrimoine… Dans le cadre de ces transferts de compétences marquant une volonté de désengagement de la part de l’État, la compensation budgétaire apportée par l’État aux collectivités s’avère toujours insuffisante. Résultat, les collectivités territoriales, qui ont de plus en plus de missions à gérer mais avec de moins en moins de moyens, sont amenées à trouver des parades, en augmentant les impôts locaux par exemple.

 

LA PARTICULARITÉ CORSE
En 1768, le royaume de France annexe la République de Corse qui a pris son indépendance de la République de Gênes depuis 1755. Au XXe siècle, avec la création des régions, la Corse est d’abord intégrée à la région PACA. Elle deviendra une région à part entière en 1970, puis sera dotée de deux départements en 1976. Conséquence notamment des lois Defferre, l’Assemblée de Corse, élue à la proportionnelle intégrale, voit le jour en 1982. En 1991 ses pouvoirs ont été renforcés (statut Joxe).

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante