Les Communes en province

1871-2021 par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Article publié dans l’action Les 150 ans de la Commune de Paris

Si la Commune de Paris est connue dans le monde, il ne faudrait pas oublier les mouvements insurrectionnels et révolutionnaires qui ont touché une grande partie de la France de septembre 1870 à mai 1871.

Le 4 septembre, les Parisiens proclament la République devant l’Hôtel de ville. Les Lyonnais font exactement la même chose, le même jour. Entre septembre et octobre 1870, la République est autoproclamée à Lille, Montereau, Cosne, Vierzon, Saint-Amand, La Charité, Dijon, Chalon-sur-Saône, Mâcon, Voiron, Saint Marcellin, Varilhes, Carcassonne, Bordeaux.

En province, surtout dans le sud, le mouvement révolutionnaire est clairement communaliste, fédéraliste, voire autonomiste, anti-prussien, anti-versaillais et anti-jacobins. Le 18 septembre 1870 une Ligue du Midi est créée par des représentants de treize départements du Sud-Est avec Marseille comme centre. Elle est dirigée par Alphonse Esquiros, administrateur général des Bouches-du-Rhône, Gaston Crémieux, avocat nîmois et André Bastelica, secrétaire de la section de l’AIT (Alliance Internationale des Travailleurs ou 1re Internationale) de Marseille.

Esquiros déclare : Nous avons envoyé une dépêche au gouvernement pour lui faire savoir que nous considérions comme urgent de donner aux départements du Midi une liberté d’action entière pour l’organisation de la défense nationale. Et pour ne pas froisser directement Paris, il précise : La République doit rester une et indivisible, mais d’ajouter : Mais, vu les circonstances, il y a lieu de former une sorte de confédération provisoire qui nous permettrait d’agir de concert [1]. On retrouve là, le Midi frondeur qui s’était soulevé contre Louis Napoléon Bonaparte en 1851 et qui s’enflammera en 1907 lors de la Commune de Narbonne.

Des insurrections sans lendemain

La ligue du Midi se dote aussi d’un programme politique : impôt sur les riches, confiscation des biens des traîtres, séparation de l’église et de l’État. Mais elle n’aura pas le temps de mettre en œuvre ses réformes.

Le 28 septembre 1870, l’anarchiste russe Bakounine et ses amis de l’AIT prennent l’hôtel de ville de Lyon. Mais des soutiens leur manqueront et le mouvement sera rapidement réprimé par la garde nationale qui n’a pas rejoint les insurgés. À Marseille, le 1er novembre, une Commission révolutionnaire s’installe à la mairie avant d’en être chassée quelques jours plus tard. Le 5 décembre, une tentative insurrectionnelle échoue à Rouen.

Quand Paris proclame la Commune le 18 mars 1871, la province suit. Des Communes sont proclamées à Lyon et Marseille le 23, à Narbonne le 24, au Creusot le 26, ainsi que des révoltes armées à Toulouse le 24, Saint-Étienne le 25, Limoges le 4 avril, La Charité-sur-Loire les 10 et 11 avril, Rouen le 14, Cosne et Saint-Amand le 15, Tullins et Saint-Marcellin le 17, Neuvy le 19, Montargis le 1er mai, Varilhes les 2 et 3, Montereau les 7 et 8, Romans le 22, Voiron et Vienne le 24. Sans oublier des échauffourées à Bordeaux, Limoges, Sens, Albi, Montpellier, Avignon, Toulon, Draguignan, Dijon…

La Commune de Paris va envoyer des émissaires en province, mais ces derniers ne parviendront pas à fédérer le mouvement au niveau national. Charles Amouroux arrive à Lyon le 23 mars 1871, envoie deux délégués à Saint-Étienne et part à Chalabre dans l’Aude. Il repart à Marseille et retrouve deux autres Communards parisiens, Landeck et May. À Lyon, les Parisiens Caulet de Tayac et Dumont proclament la Commune lyonnaise depuis le quartier ouvrier de la Guillotière.

La Commune de Marseille sera la plus longue. Elle début le 23 avril 1871. Gaston Crémieux s’installe à la préfecture à la tête d’une Commission départementale révolutionnaire. Mais les insurgés commettent l’erreur stratégique de ne pas prendre les forts, la gare et la butte de Notre Dame de la Garde. C’est de cette position, ainsi que du fort Saint-Nicolas, que le général réactionnaire Espivent de la Villesboisnet fait tirer sur les insurgés le 4 avril. Les fusiliers marins reprennent les bâtiments sans trouver beaucoup de résistance. 150 Communards marseillais seront fusillés dans les jours suivants.

Le manque de coordination aura été fatal aux Communes de province.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Notes

[1Jeanne Gaillard : Communes de province, Commune de Paris, 1870-1871, Flammarion, 1971.