Le 28 mai 1871, l’épopée de la Commune de Paris s’achève dans les derniers combats sanglants du Père Lachaise. La répression Versaillaise n’a pas de limite. Sans compter les morts durant le siège prussien, les combattants tués sur les barricades, le nombre de fusillés durant la semaine sanglante, et après, qui auraient été de l’ordre de 20 à 30.000, sans aucune forme de procès ou après une condamnation expéditive par un tribunal de guerre des vainqueurs. 36.000 Communards ont été faits prisonniers, 4.500 ont été déportés en Nouvelle Calédonie d’après la loi spéciale du 23 mars 1872. 6.000 personnes ont échappé à la répression et sont parties en exil : 3.000 en Grande Bretagne, 1.500 en Belgique, 1.000 en Suisse et 500 aux États-Unis. Bref, entre 1872 et 1870, la capitale a perdu 180.000 habitants. Elle ne sera plus jamais l’épicentre des révolutions comme en 1789, 1830, 1848. D’autant que le prolétariat naissant, à la fin du XIXe et au début du XXe s’installera dans la proche banlieue, la « petite couronne » qui deviendra la « ceinture rouge ». Petit à petit la sociologie de Paris va changer, s’embourgeoisant de plus en plus.
Les combats, les bombardements des Versaillais et les incendies allumés par les Communards ont fait d’importants dégâts. Les reconstructeurs vont en profiter pour moderniser la capitale. Le palais d’Orsay est reconstruit en gare et l’ancien ministère des finances devient le palace Continental.
Punitions architecturales et administratives
Le 16 mai 1871, les Communards décident d’abattre la colonne Vendôme dédiée à la gloire des deux Napoléon. Les Versaillais accusent le peintre d’Ornans, Gustave Courbet, d’en être le responsable alors qu’il n’était même pas présent lors du vote de la direction de la Commune sur cette destruction. Il doit donc financer sur ses propres deniers cette reconstruction évaluée à 323.000 francs. Mais il n’en paiera que 12.000, mourant en exil en Suisse dès 1877.
Mais au niveau symbolique, il y a pire : la construction de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre dite de « vœu national » à l’emplacement même où les Parisiens avait caché cent canons pour qu’ils échappent aux Prussiens. Le parlement vote une loi le 24 juillet 1873 pour débuter sa construction afin d’expier les crimes des Communards. Lors de la pose de la première pierre, durant le discours officiel, le baron Hubert Rohault de Fleury (1828-1910), un petit peintre animalier, réactionnaire, clérical et monarchiste parle des Communards comme « des énergumènes avinés hostiles à toute idée religieuse ». La reconstruction va coûter 46 millions de francs et ne s’achèvera qu’en 1923. Au début des travaux ce sont des prisonniers communards qui serviront de terrassiers.
Le statut de la capitale va aussi subir des modifications. La municipalité unique est supprimée en octobre 1795. Avec la loi du 17 février 1800, Paris passe sous tutelle préfectorale. Elle est dirigée conjointement par le préfet de la Seine et le préfet de police. Alors qu’en 1859, toutes les communes de France sont dirigées par des maires élus par leurs conseils municipaux, eux-mêmes élus par les citoyens hommes, Paris reste sous tutelle du pouvoir. Les maires des 12 puis 20 arrondissements sont nommés par les deux préfets.
La Commune va rétablir la démocratie municipale par un décret du 7 septembre 1870, seulement trois jours après la proclamation de la République sur les ruines de l’Empire vaincu. Le 26 mars 1871 une Commune de 90 membres est élue par tous les Parisiens, hommes et femmes. La loi du 14 avril 1871 reconstitue le Conseil municipal de Paris fort de 80 membres. Dès leur victoire, les Versaillais abolissent l’œuvre constitutionnelle de la Commune. Paris retourne à son statut quo ante jusqu’à la loi du 31 décembre 1975 et l’élection au suffrage universel du maire de Paris aux municipales du 25 mars 1977 (Jacques Chirac). Les fantômes des Communards ont donc plané sur la capitale pendant plus d’un siècle. Preuve que la peur fut grande et longue chez les possédants.