Les conventions d’Arras, ancêtre des conventions collectives

Histoire par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Ce sont les mineurs du bassin houiller du Nord qui ont arraché la première convention collective signée par l’État, les syndicats et le patronat grâce à un rapport de force favorable.

Les mineurs ont toujours été à l’avant-garde des revendications ouvrières. Hors les marins qui bénéficieront dès le 17e siècle de premières mesures sociales dans le domaine de la vieillesse, les mineurs seront les premiers travailleurs à obtenir des retraites et une convention collective.

En mars 1884, la loi Waldeck-Rousseau officialise les syndicats. À partir de là, ces derniers doivent s’organiser pour obtenir et pérenniser leurs conquêtes. Les syndicats se multiplient dans toutes les branches mais restent isolés les uns des autres. Il faut attendre février 1893 pour voir la création de la Fédération des Bourses du travail. Puis la fusion des Bourses avec les syndicats en septembre 1895, donnant naissance à la CGT. Les mineurs ne vont pas attendre. Ce sont les syndicats des mineurs de la Loire, particulièrement organisés, qui vont venir aider leurs collègues du Nord. Émile Basly fonde la chambre syndicale du bassin du Nord en janvier 1883. En décembre, il a déjà syndiqué 12 000 mineurs. De février à avril 1884, une longue grève touche le bassin d’Anzin. Mais isolée, car les autres bassins ne suivent pas, la grève est un échec. D’autant qu’en face, le patronat est particulièrement dur. Dans le Nord, il existe vingt-six compagnies privées d’exploitation minière qui se regroupent au sein du Comité des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais. Ce comité qui ne lâche rien organise une caisse anti-grève, multiplie les sanctions et licenciements contre les syndicalistes et les grévistes.

Les conventions

En octobre-novembre 1889, cette fois, tout le bassin mène une grève qui sera victorieuse, avec l’obtention d’une augmentation de salaire de 10 %. Les mineurs demandent régulièrement des augmentations de salaire, une meilleure organisation du travail et plus de sécurité.

Le 16 novembre 1891, tout le bassin cesse le travail. Ce sera la plus grande grève de mineurs jusque-là, avec plus de 30 000 grévistes. Ils demandent entre autres la suppression des discriminations contre les syndiqués. Devant le refus du comité, le gouvernement Freycinet, qui sait que le charbon du Nord représente 45 % de la production française, ordonne au préfet Alapetite de faire pression sur ce patronat obstiné. Il convoque à la préfecture d’Arras, du 27 au 29 novembre, cinq délégués du comité et cinq du syndicat. Les grévistes obtiennent la fin des heures supplémentaires obligatoires, la reconnaissance totale des syndicats, l’obligation de négocier par l’arbitrage et la conciliation, ainsi que l’officialisation des caisses de secours mutuels et de retraite. Le procès-verbal de cette réunion, signé par les trois parties, sera considéré comme la première convention collective.

 

Deux leaders syndicaux
Les deux premiers organisateurs des mineurs du Nord sont Émile Basly et Arthur Lamendin. Tous deux sont descendus dans les puits dès l’âge de dix ans. Lamendin a fondé la chambre syndicale de Lens en 1882. Basly, celle du bassin du Nord en 1883. Pour activité syndicale, ils ont tous deux été licenciés. Ils organisent alors d’autant plus les syndicats. Basly sera aussi député républicain.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération