Les enseignants ne seraient plus notés sur la base d’obligations définies nationalement, mais jugés sur des critères subjectifs, comme leur « engagement », selon un terme cher au ministère, à appliquer les réformes et les projets locaux d’établissement qui en découlent, explique la Fédération FO de l’Enseignement, de la Culture et de la Formation professionnelle (FNEC-FP FO).
Ce nouveau système d’évaluation des professeurs des écoles et du secondaire, porté par la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem, s’appliquerait dans le cadre du PPCR (protocole d’accord sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations) qui concerne l’ensemble de la Fonction publique et que la Fédération générale des Fonctionnaires FO a refusé de signer.
Actuellement les enseignants sont notés (sur 20 pour les instituteurs et sur 100 dans le second degré) sur leur aptitude à transmettre des connaissances aux élèves. Cette notation porte sur le contenu de leur enseignement (le respect des programmes nationaux notamment), et leur rigueur dans l’exercice de leur fonction (leur ponctualité par exemple). Toutes leurs obligations sont définies nationalement. L’inspecteur leur attribue une note en fonction de ce qu’il constate pendant la classe ou le cours.
La transmission des connaissances et le respect des programmes nationaux deviendraient des tâches subalternes
Désormais, il s’agirait de juger « la valeur professionnelle » de l’enseignant (excellente, très satisfaisante, satisfaisante, à consolider) au cours d’entretiens individuels, sur la base de onze items.
On ne trouve plus aucune référence à l’existence de programmes nationaux et à l’aptitude des enseignants à les transmettre, dans ces onze « compétences » que les enseignants devraient maîtriser.
Les critères concernant le cœur du métier, à savoir la transmission des savoirs, sont minoritaires (quatre sur onze).
En revanche, l’enseignant devra montrer qu’il est capable de s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel
, ce qui permet toutes les interprétations.
Il peut par exemple très bien s’agir de devoir montrer son aptitude à s’inscrire dans la mise en œuvre des réformes, souligne la FNEC-FP FO. Des réformes qui remettent en cause le caractère national de l’enseignement, d’où d’ailleurs l’absence, parfaitement logique, de référence aux programmes nationaux [1].
La bonne application des réformes ferait l’excellence
Le gouvernement ne s’en cache pas : [...] expliciter le sens des réformes, participer à leur appropriation et contribuer ainsi à leur application au plus près des personnels et des élèves doivent constituer les lignes forces de la rénovation de l’évaluation professionnelle associée à la rénovation des carrières
, peut-on lire dans un document ministériel du 30 mai 2016. .
L’enseignant devrait donc aussi être capable de coopérer avec les partenaires de l’école
, ce qui inclut, dans le cadre des projets d’établissements locaux prévus par les dernières réformes, les élus et les entreprises locaux, ainsi que les associations diverses impliquées dans les activités péri scolaires.
Il devrait également savoir agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques
, ce qui, explique la FNEC-FP FO, constitue une remise en cause directe de l’article 6 du statut général de la Fonction publique qui garantit la liberté d’opinion aux fonctionnaires et spécifie qu’aucune mesure concernant la rémunération, la formation, l’évaluation, la promotion, l’affectation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire pour ses opinions personnelles
.
La porte ouverte à l’individualisation et à l’arbitraire
Enfin, les entretiens individuels devraient être préparés par un document d’auto-appréciation à remplir par l’enseignant. C’est une des techniques de management utilisées dans les entreprises privées dont le caractère stressant et humiliant est reconnu, sans compter la surcharge de travail
, dénonce la FNEC-FP FO.
La note des enseignants détermine en grande partie l’évolution de carrière des enseignants. Le système envisagé fait disparaître tout élément objectivé de comparaison
, alerte FO, qui craint le renforcement du pouvoir discrétionnaire de la hiérarchie et revendique le maintien de la notation chiffrée, comme le permet l’article 55 du statut de la fonction publique d’État
, souligne-t-elle.
La création d’un nouveau grade, la « classe exceptionnelle », présentée par le ministère comme une amélioration sans précédent de la carrière, ne suffit pas à faire passer la pilule, d’autant que seule une minorité d’enseignants pourra en réalité y accéder (de l’ordre de 10 à 20%). Pour pouvoir en bénéficier, il faudra en effet justifier de huit années de fonctions accomplies dans des conditions d’exercice difficiles ou sur des fonctions particulières
.
Au moment où le pouvoir d’achat continue de dégringoler
L’arrivée des fiches de paye janvier ne va rien arranger : de nombreux enseignants vont découvrir que leur salaire net est inférieur à celui de décembre ! Le ministère vient en effet d’annoncer qu’une grande partie des maigres augmentations indiciaires prévues dans le cadre du PPCR est différée en mars.
De toutes les façons, ces augmentations sont très loin de compenser la perte de pouvoir d’achat -8% au total- subie par les fonctionnaires depuis 2010, sous le double effet du blocage de la valeur du point d’indice et de la hausse de la retenue pour pension, laquelle vient encore d’augmenter en janvier…
Les fonctionnaires FO, dont les enseignants, revendiquent d’ailleurs 8% d’augmentation de la valeur du point d’indice et 50 points supplémentaires pour tous.
Déjà des centaines de motions et des milliers de signatures pour l’abandon du projet d’évaluation
Les rassemblements du mercredi 1er février sont organisés à l’appel de la FNEC-FP FO, de la CGT Educ’action, de Sud Education, et parfois localement de syndicats de la FSU. Une mobilisation déjà forte de centaines de motions, prises de positions et milliers de signatures demandant l’abandon du projet de décret sur l’évaluation, accumulées ces dernières semaines dans les établissements.
Pour rappel, en 2012, la mobilisation des personnels, à l’appel des organisations syndicales, avait déjà contraint le ministre Vincent Peillon à abroger une réforme similaire que son prédécesseur Luc Chatel avait mise en place.