Les favoris du Tour 2022

InFO militante par Baptiste Bouthier, L’inFO militante

Tadej Pogacar, maillot jaune, vingtième étape du Tour de France 2021, Libourne – Saint-émilion. © Charly Lopez-ASO

Double tenant du titre, Tadej Pogacar est le favori numéro un à sa propre succession. De Primoz Roglic aux coureurs d’Ineos, en passant par les Français David Gaudu et Guillaume Martin, la concurrence semble un ton en dessous. Mais gare à l’excès de confiance !

Pogacar face à lui-même

Il était peut-être temps pour lui d’essayer autre chose. En 2022, Tadej Pogacar a surtout brillé sur les classiques, où il a chaque fois pris le départ dans la peau de l’épouvantail. On l’a ainsi vu remporter haut la main les Strade bianche, terminer cinquième d’un Milan-San Remo largement animé, puis passer tout près du succès sur un Tour des Flandres qu’il découvrait (quatrième). Faut-il y voir une lassitude du Slovène avec le Tour de France ? Chercherait-il déjà d’autres horizons ? Ses adversaires en rêvent, mais ils devront sans doute encore patienter avant de profiter d’une telle aubaine. Il a beau avoir déjà remporté la Grande Boucle deux fois, Tadej Pogacar n’a que 23 ans, et c’est bien jeune pour être déjà blasé du rendez-vous de juillet, qui reste le graal cycliste.

Depuis la fin avril, le Slovène a donc tourné la page des classiques pour pleinement se concentrer sur son grand objectif de la saison. Après sa victoire surprise de 2020, puis son succès sans partage de l’an dernier, il n’y a pas à tourner autour du pot : Pogacar est le grandissime favori à sa propre succession. Un nouveau succès, le troisième de rang, le ferait entrer dans le cercle ultra-restreint de ceux qui ont laissé leur nom plus de deux fois au palmarès du Tour. Il n’y côtoierait que des légendes : Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault, Miguel Indurain, Chris Froome, Philippe Thys, Louison Bobet et Greg LeMond. Une motivation évidente pour préparer l’événement comme il se doit.

Alors, que peut-il craindre ? En montagne, il réalise des numéros inégalés depuis trois ans maintenant. En contre-la-montre, il rivalise avec les purs rouleurs du peloton. Il va également très vite au sprint, et est particulièrement adroit sur son vélo, ce qui lui évite souvent les pépins – mais nul coureur n’est jamais à l’abri de la chute. Quant à son équipe, UAE, elle s’est considérablement renforcée et la faiblesse de l’escorte de 2020 n’est plus qu’un pâle souvenir : avec Marc Soler, George Bennett, Brandon McNulty et Rafal Majka pour l’entourer, Pogacar peut voir venir. Bref, son principal adversaire est avant tout… lui-même. Prépare-t-on une troisième victoire sur le Tour comme la première ? La confiance en soi peut-elle virer à l’excès d’optimisme ou au péché d’orgueil ? Un éventuel grain de sable dans la mécanique bien huilée peut-il tout faire dérailler ? S’il évite ces écueils, alors Tadej Pogacar ne devrait pas voir les Champs-Élysées autrement qu’en jaune.

Roglic dans le doute

Primoz Roglic, Tour de France 2021. © Pauline Ballet-ASO

Battu à la surprise générale sur le chrono final en 2020, tombé avant d’avoir pu défendre ses chances l’an dernier, Primoz Roglic n’a toujours pas accroché le Tour de France à son palmarès. Sa chance est-elle passée ? Plusieurs ombres planent en effet sur le Slovène. L’émergence de son compatriote Pogacar bien sûr, devenu le nouveau patron de juillet. Mais aussi celle, peut-être plus incommode encore, du Danois Jonas Vingegaard, qui a pris au pied levé le leadership au sein de l’équipe Jumbo après l’abandon de
Roglic l’an dernier, et qui a fini… deuxième du Tour.

Au départ de Copenhague, Roglic doit donc partager l’affiche avec cet ancien lieutenant devenu un peu encombrant. Vingegaard représente l’avenir (25 ans, contre 32 pour Roglic), mais peut-être aussi le présent… D’autant que le Slovène a inquiété en début de saison, même s’il a remporté Paris-Nice, en se blessant à un genou, l’amenant dans le flou au départ du Tour. Avec ces trois premiers jours à domicile, Vingegaard voit forcément cette édition 2022 d’un bon œil. Celui qui vous fait pousser des ailes ? Après tout, l’histoire du Tour regorge de vainqueurs qui ont transgressé les hiérarchies établies pour prendre le pouvoir…

Ineos, les nouveaux outsiders

Il fut un temps où ils faisaient la loi sans partage au mois de juillet. Avec Bradley Wiggins, Chris Froome, Geraint Thomas puis Egan Bernal, l’équipe Sky, devenue Ineos, a gagné sept Tours de France depuis 2012. Mais aucun des deux derniers, laissés au nouveau sheriff Pogacar. Détrônée, la formation britannique a aussi dû se renouveler, entre leaders partis (Froome), trop vieux (Thomas) ou gravement blessés (Bernal). C’est donc dans un rôle différent, celui d’outsider, qu’elle s’aligne cet été. Mais avec la ferme intention aussi de jouer les premiers rôles. Adam Yates (quatrième en 2016) rêve d’incarner cette ambition, mais il s’est toujours heurté à un plafond de verre sur les Grands Tours. La solution pourrait plutôt s’appeler Daniel Martinez. À 26 ans, le Colombien a souvent servi de lieutenant jusqu’ici dans sa carrière, mais il a fini par prendre du galon à force de briller quand ses leaders échouent. Vainqueur du Dauphiné en 2020, il a effectué un début de saison 2022 remarquable : vainqueur du Tour du Pays basque, troisième de Paris-Nice, quatrième de Liège-Bastogne-Liège et cinquième de la Flèche wallonne, il aspire à faire au moins aussi bien sur ce Tour, qui pourrait bien le révéler au grand jour.

Gaudu, Martin et les autres

équipe Cofidis, Guillaume Martin, Tour de France 2021. © Pauline Ballet-ASO

Montés sur le podium du Tour par le passé, Thibaut Pinot et Romain Bardet porteront encore haut les chances françaises, mais dans des rôles de chasseurs d’étapes. Pour le classement général, il faudra se tourner vers le très régulier Guillaume Martin (huitième, onzième et douzième des trois derniers Tours) et sur David Gaudu, qui méritait mieux que sa onzième place l’an dernier. Mais il ne faut pas se leurrer : sauf miracle, ni l’un ni l’autre ne pourra se mêler à la lutte pour le podium final, et a fortiori le maillot jaune.

Mais aussi...

L’éclosion inattendue de Vingegaard, l’an dernier, est venue rappeler que le sport reste une matière imprévisible. Sur le papier, la liste des noms supplémentaires capables de s’immiscer dans la lutte pour le podium final est néanmoins ténue. Sixième l’an dernier et régulier sur les courses de trois semaines, l’Espagnol Enric Mas en fait partie, de même que l’Australien Jack Haig, que l’on annonce à ce niveau depuis un moment. Auteur d’un début de saison réussi, le Russe Alexander Vlasov est une curiosité attendue de juillet. Quant à l’Australien Ben O’Connor, quatrième surprise du Tour l’an dernier, il est lui attendu au tournant de la confirmation, souvent le plus difficile à négocier.

Baptiste Bouthier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération