Les femmes dans la Commune de Paris

1871-2021 par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Éloi Valat, Louises, les femmes de la Commune, Bleu autour, 2019.
Article publié dans l’action Les 150 ans de la Commune de Paris

Si Louise Michel est la plus connue, elle ne fut pas la seule, loin s’en faut. Elles participèrent à l’ensemble de l’œuvre de la Commune : éducation, intendance, soins, mais aussi aux débats politiques, à l’information et bien sûr aux combats.

L’historienne Carolyn Eichner écrit à juste titre : Louise Michel fut longtemps la seule femme jugée digne d’apparaître dans la galerie des communards. Mais plutôt que d’évoquer son implication dans toutes les activités de la révolution – de l’élaboration d’un programme d’éducation laïque obligatoire pour tous à la lutte sur les barricades - on la réduisit à un stéréotype sexualisé : celui de la Vierge rouge mariée à la révolution [1].

Les Communardes ne sont pas apparues par hasard. À la fin du Second empire des organisations féministes et socialistes sont fondées. On les retrouve naturellement dans la Commune, constituant des clubs politiques, des comités de vigilance, sur les barricades combattantes dans les bataillons, soulageant, soignant, nourrissant les blessés, publiant des journaux, développant des écoles mixtes, organisant des soupes populaires et fondant des coopératives de production.

Au 50° jour de la Commune, la Commission exécutive de l’Union des femmes pour la défense de Paris et des soins aux blessés publie une déclaration : Les femmes de Paris prouveront à la France et au monde qu’elles aussi sauront, au moment du danger suprême, aux barricades, sur les remparts de Paris, donner leur sang et leur vie pour la défense et le triomphe de la Commune, c’est-à-dire du peuple. Pour cela, la réaction a tenté de les dénigrer. Un rapport de la police parisienne parle de Françoise Gacoin-Marty, piqueuse de bottines, combattante sur les barricades comme une femme d’une conduite et d’une moralité mauvaises. Quant à l’abbé Delmas, il dépeint les Communardes en monstres altérés de sang, qui n’ont plus de femme que le nom. La même réaction qui a inventé le terme de pétroleuses, des furies qui auraient mis le feu dans tout Paris lors des derniers combats !

Quelques portraits

La plupart des Communardes étaient des ouvrières du textile et des institutrices. Marie Rogissart, couturière, qui organisa les femmes pour arrêter les réfractaires qui refusaient de défendre la Commune. Marie Lemonier, apprêteuse de neuf, ambulancière puis combattante. Hortense David, brossière née en 1835, cantinière puis combattante, condamnée aux travaux forcés à perpétuité. Marguerite Guinder, dite Lachaise, née en 1832, elle aussi cantinière-combattante, elle aussi travaux forcés à perpète. Louise Modestin, combattante endurcie, enfermée à la prison des Chantiers à Versailles. Eugénie Morel, cantinière, arrêtée, condamnée.

Parmi les plus instruites, la romancière et journaliste André Léo (1824-1900), de son vrai nom Léodile Champseix, pour qui la révolution est impossible sans l’émancipation des femmes et le ralliement de la paysannerie au mouvement ouvrier. Il y a aussi l’oratrice Paule Mink (1839-1901) qui a fondé dès 1868 la Société fraternelle de l’ouvrière. Durant la Commune elle anime des clubs politiques anticléricaux qui se réunissent dans les églises désertées. Elle se réfugie en Suisse où elle continuera son combat féministe et socialiste.

Il y a aussi bien sûr l’institutrice anarchiste Louise Michel (1830-1905) ou encore la marxiste russe Élisabeth Dmitrieff, qui a déjà milité en Russie, en Angleterre et en Suisse. Elle fonde l’Union des femmes pour la défense de Paris. Arrêtée, condamnée, elle est finalement graciée et rentre en Russie. On compte aussi la relieuse Nathalie Lemel (1827-1921), anarchiste membre de l’AIT, caissière du restaurant communautaire La Marmite, puis infirmière sous la Commune du côté des Batignolles et de la place Pigalle. Elle fut déportée en Nouvelle Calédonie avec Louise Michel [2].

André Léo, Paule Mink et Louise Michel avaient fondé dès 1866 la Société pour la revendication des droits de la femme pour défendre le droit à l’école primaire laïque pour les filles, l’égalité d’accès au travail et l’égalité civique des femmes mariées.

Il convient de citer aussi le bataillon féminin fort de 120 combattantes qui défendit la place Blanche le 22 mai 1871, sur la fameuse « barricade des femmes ».

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Notes

[1Carolyn Eichner : « Pas de révolution sans les femmes », in L’Histoire, n° spécial 90, janvier-mars 2021, p.54-58.

[2Voir Éloi Valat : Louises. Les femmes de la commune, éditions Bleu Autour, 2019, 160 p., 28 €.