Les frères Bonneff, pionniers du journalisme social

InFO militante par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Maurice et Léon Bonneff

Si l’on connaît les figures historiques du journalisme politique, de l’éditorial, du reportage de guerre..., on ignore souvent que d’autres aussi ont fait date, travaillant sur les conditions de la classe ouvrière. Léon et Maurice Bonneff sont de ceux-là.

S’ il y a heureusement des journalistes sur les terrains de guerre pour montrer ce que l’on ne voit pas ou ce que que les gouvernants ne souhaitent pas que l’on voie, il y a aussi des journalistes dont les investigations se font sur le terrain social. Les frères Bonneff ont été les précurseurs dans ce domaine.

Léon est né en 1882, son frère Maurice deux ans plus tard en Haute-Saône, à Gray, dans une famille juive. Ils commencent à publier des articles sur la condition ouvrière dès 1900. Ils publient des articles dans L’Humanité sur les conditions de travail des travailleurs du cuir, des fondeurs, des couturières, des enfants peigneurs du lin, des raffineurs du pétrole, des soudeurs des conserveries, mais aussi des verriers, des charpentiers et couvreurs, des briquetiers, des ouvriers boulangers, des postiers, des blanchisseuses, des égoutiers et même des marins bretons. Pour les deux frères, qui seront tués au front dès les premiers mois de la Grande Guerre, il n’existe pas de différence entre la « grande » et la « petite » industrie. Tous les ouvriers font partie des exploités qu’il faut défendre. Les Bonneff mettent en avant spécialement les problèmes de santé. C’est ainsi que dès 1900, ils publient « Les métiers qui tuent, enquête auprès des syndicats ouvriers sur les maladies professionnelles ».

Visites d’entreprises à la demande des syndicats

Dans leurs publications, livres et articles, ils s’adressent aux travailleurs afin qu’ils s’organisent pour obtenir des lois sur l’hygiène et les conditions de travail, et ils en appellent à l’opinion publique pour qu’elle fasse pression sur les gouvernements. Pour les Bonneff, seuls les syndicats peuvent faire appliquer les lois et mobiliser les travailleurs sur les sujets de la durée du travail, de l’augmentation des salaires... Nombre de leurs enquêtes répondent aux demandes de syndicalistes qui les invitent à visiter les ateliers, les usines. Rien de moins aisé, les patrons ne veulent guère de témoins gênants. C’est ainsi qu’ils se feront embaucher incognito dans une verrerie, une mine, une cuisine d’un grand restaurant parisien. Un ministère du Travail n’existera qu’à partir de 1906 et les maladies professionnelles ne seront reconnues qu’en 1919, mais uniquement pour les intoxications au plomb et au mercure. Quant à l’amiante, elle sera déclarée source de maladie professionnelle en 1945, ce qui sera loin de tout régler sur le plan de la reconnaissance réelle des maladies qu’elle engendre, sans compter que l’usage de l’amiante ne sera interdit qu’en 1997.

Les Bonneff ont écrit, entre autres : Au faubourg où nous habitons tous les deux, il n’y a que l’embarras du choix. Abaissez vos regards, la vie sort des pavés. Tout est dit !

 

Lucien Descaves (1861-1949)

Dreyfusard, rédacteur à L’Aurore, c’est lui qui écrit la préface du livre des frères Bonneff. Il écrit aussi des pièces de théâtre. Syndicaliste dans le domaine du journalisme pour défendre la liberté de la profession, il est membre fondateur de l’Académie Goncourt en 1900, dont il sera le président de 1945 à 1949.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération