Les grandes arrivées du Tour

Histoire par Christophe Chiclet

Si, cette année, l’arrivée du Tour avait un goût amer, ce ne fut pas toujours le cas. Il y eut des surprises techniques, politiques et sportives.

Cette année, le Tour se déroulait pour la première fois en septembre, au lieu du traditionnel mois de juillet. Un goût amer pour deux raisons : à cause des mesures sanitaires, il n’y avait que 5 000 personnes autorisées, mais aussi, pour la première fois depuis longtemps, il y avait un grand absent, notre regretté Raymond Poulidor.

Le premier Tour de France, en 1903, part de Montgeron le 1er juillet et finit à Ville-d’Avray où le classement définitif est officialisé, puis les coureurs « survivants » défilent à petite allure jusqu’au Parc des princes où ils sont acclamés par des milliers de Parisiens. C’est ainsi qu’en dehors des périodes des deux Guerres mondiales, toutes les arrivées ont lieu au Parc des princes.

En 1948, l’arrivée du Tour a été l’objet d’une prouesse technologique. Il s’agit de la première retransmission hertzienne en direct de la jeune télévision française. Seuls quelques milliers de personnes en ont profité, contrairement aux centaines de millions de nos jours.

Mais il a bien fallu construire un nouveau Parc. Donc de 1968 à 1974, les organisateurs se replient sur la Cipale de Vincennes. Le spectacle n’en était pas moins grandiose sur cette piste cyclable aussi renommée que fut le Vel d’Hiv auparavant.

Ce n’est qu’en 1975 que l’on décide que l’arrivée aura désormais lieu sur les Champs Élysées pour donner une aura internationale plus importante. Cette année-là, c’est le nouveau président Giscard d’Estaing qui remet le maillot jaune à Bernard Thévenet qui met fin au long règne d’Eddy Merckx, le « Cannibale ».

En 1988, c’est une arrivée diplomatiquement compliquée. L’Espagnol Pedro Delgado est en tête du Tour. Mais cinq jours avant l’arrivée, après une étape dans les Pyrénées, il est testé positif au probénécide, un produit dopant en voie d’interdiction. Or, les plus hautes autorités espagnoles avaient annoncé au gouvernement français qu’elles seraient présentes sur les Champs pour remettre le maillot jaune à leur héros. L’Élysée ou le Quai d’Orsay aurait demandé aux organisateurs de fermer les yeux pour ne pas froisser l’allié espagnol, d’autant qu’à l’époque le conflit basque planait sur les relations bilatérales. Delgado gagnera encore la Vuelta (tour d’Espagne) en 1989, mais sera déchu de sa victoire par les autorités anti-dopage.

Le duel dantesque

En 1983, un jeune coureur pour sa première participation, gagne le Tour, détrônant le « Blaireau », Bernard Hinault. Ce blondinet au cardigan et aux petites lunettes, c’est Laurent Fignon. Il gagne à nouveau sur les Champs l’année suivante. Après un passage à vide, dès la reprise des courses au printemps 1989, il est l’homme en forme des pelotons. Il gagne le Giro (tour d’Italie) et la grande classique Milan-San Remo. Il domine le Tour 89, mais n’a que 50 secondes d’avance sur le second, l’américain Grec LeMond, lors de la dernière étape.

Cette année-là, la grande boucle se termine par un contre la montre, ce qui est particulièrement vicieux. Depuis l’arrivée de l’étape à Aix-les-Bains, le Français souffre d’une blessure à l’entrejambe. Chaque coup de pédales est douloureux. Entre Versailles et Paris, il n’y a que 24,5 kilomètres de plat. LeMond part comme un boulet de canon. Il va faire l’étape à 54,5 km/h de moyenne. Au fur et à mesure, l’avance de Fignon fond. Arrivé sur les Champs, le Français épuisé par la douleur s’effondre à terre. Il vient de perdre le Tour pour seulement 8 secondes. Le plus petit écart dans l’histoire de la grande boucle. Il y a eu souvent des retournements dans les deux-trois dernières étapes, comme cette année entre les deux Slovènes, mais rarement dans l’ultime.

Malgré le goût amer de l’arrivée 2020, sportivement elle fut grandiose. Le gamin de Komenda, Tadej Pogačar qui a fêté ses 22 ans le lendemain de sa victoire, a battu de seulement 59 secondes son aîné de Trbovlje, né le 29 octobre 1989, Primož Roglič. Un duel fêté tard dans la nuit dans les bars de Ljubljana. La Slovénie exportait son électro-manager (Gorinje), ses ours, désormais ses champions cyclistes.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante