Les jolies colonies de vacances

Histoire par Christophe Chiclet

Fondées à l’origine dans un but sanitaire et hygiéniste, les colonies de vacances ont longtemps été un lieu d’affrontement idéologique entre les religions et la laïcité. Aujourd’hui elles sont victimes de l’air du temps mais aussi de diverses difficultés liées à des problématiques budgétaires.

En 1876, le pasteur suisse Hermann Walter Bion récupère soixante-huit enfants pauvres des faubourgs ouvriers de Zürich et les emmène quelques semaines prendre l’air dans les fermes des alpages du canton d’Appenzell. En 1899, vingt-neuf villes de la Confédération helvétique auront leurs propres colonies de vacances.

En France, en 1883, Edmond Cottinet crée l’Œuvre des colonies de vacances du 9e arrondissement de Paris. Il envoie à la campagne dix-huit petits anémiés et dira à leur retour : Ils ont engraissé de sept kilos en quatre semaines.

Jean Macé, qui a lancé la Ligue de l’Enseignement en 1866, ouvre ses propres centres de vacances et de loisirs en 1886 à destination des enfants des classes populaires et moyennes. Il s’agit de sortir les gosses des taudis, de la malnutrition et de la pollution des villes. Mais nous sommes dans la logique des lois Jules Ferry sur l’école laïque obligatoire. Bref, ces centres de vacances républicains ont aussi pour but de lutter contre l’emprise de l’Église et des droites monarchistes sur la jeunesse française, sans oublier de cultiver l’idéal de fraternité.

Face aux colos de la République, l’Église catholique va développer ses patronages d’été.

La France, appelée aussi la fille aînée de l’Église, va recevoir l’appui du scoutisme naissant. En effet, un général britannique, Baden Powell (1857-1941), lance le mouvement scout international en 1907. Pour cet ancien militaire, il s’agit de former le corps et l’esprit de la jeunesse de l’Empire britannique, dans le but d’en faire de futurs combattants aguerris. Le scoutisme est donc au départ plutôt issu du protestantisme. Quand il arrive en France deux ans plus tard, l’Église va le catholiciser. Rapidement, après les scouts catholiques apparaissent les scouts protestants, orthodoxes, israélites et musulmans.

Le souffle du Front populaire et de la Libération

Les laïcs ne se laissent pas déborder et fondent les Éclaireurs de France, mouvement mixte (contrairement aux autres mouvements) et laïc. Le Front populaire, avec son secrétariat d’État aux sports et aux loisirs, crée une école de formation pour les moniteurs et les directeurs de centre. Ils auront même un diplôme officiel dans les années 1950 (le fameux BAFA d’aujourd’hui).

En 1939, les Offices départementaux des centres de vacances et de loisirs voient le jour. En 1913, seulement 100 000 petits Français ont bénéficié des colos. Ils seront quatre fois plus en 1937.

Les mouvements de jeunesse et les camps de vacances restent très politisés. Les socialistes de la SFIO ont leurs « Faucons rouges » et les communistes leurs « Pionniers », comme en URSS. Des colos sont organisées aussi par le Secours catholique d’un côté, le Secours rouge, puis le Secours populaire de l’autre.

Après la Libération, en 1947, 90 % des colonies sont financées directement ou indirectement par l’État. En effet, suivant le programme du Conseil national de la Résistance, la plupart des grandes entreprises ont été nationalisées. C’est ainsi que les comités d’entreprise (SNCF, EDF-GDF, Renault…) multiplient la construction de centres de vacances à la mer, à la montagne, à la campagne. Sans compter les colos des municipalités et celles plus ou moins liées aux ministères des Sports et de l’Éducation nationale.

Et c’est ainsi qu’avec le baby-boom, un million de petits Français sont passés par les colos en 1955 et quatre millions dix ans plus tard. Ce n’est pas un hasard si Pierre Perret fait un tabac avec sa chanson, « Les jolies colonies de vacances » en 1966.

Mais à partir des années 1990, l’attrait des colos s’estompe. Seulement 1,3 million de fréquentation en 2014 et à peine un million en 2017. À cela plusieurs raisons : l’appauvrissement des comités d’entreprise et des budgets municipaux, la hausse des prix des séjours, la fermeture d’infrastructures vieillissantes, entre autres... Pour faire face à cette désaffection, les colos se réinventent : séjours plus courts passant de quatre à deux semaines et spécialisation des activités : équitation, surf, tennis, théâtre, séjours linguistiques… Cela suffira-t-il ? Quoi qu’il en soit, de 1880 à 2010, près de 60 millions de petits Français ont bénéficié des jolies…

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante