Les mesures exceptionnelles en faveur des salariés (mise à jour le 29 mai)

Emploi et Salaires par Clarisse Josselin

LYDIE LECARPENTIER/REA

Extension du chômage partiel, explosion du télétravail, report de la réforme du chômage, primes exceptionnelles... Pour faire face aux conséquences économiques de l’épidémie de Coronavirus, l’exécutif a mis en place une série de mesures afin de permettre aux salariés de conserver l’essentiel de leur rémunération et d’éviter les licenciements en période de crise sanitaire.

Avec la mise en place progressive du déconfinement depuis le 11 mai, l’activité économique redémarre et l’exécutif durcit peu à peu les conditions d’accès aux aides. Voici un état des lieux au 29 mai 2020.

Nous n’ajouterons pas aux difficultés sanitaires la peur de la faillite pour les entrepreneurs, la peur du chômage et l’angoisse des fins de mois difficiles pour les salariés, avait annoncé le chef de l’État, Emmanuel Macron, lors de son allocution télévisée du 12 mars. Il a promis de débloquer tous les moyens nécessaires et ce, quoi qu’il en coûte. Ces aides ont été en constante évolution pour répondre aux demandes formulées par les interlocuteurs sociaux, et notamment celles de FO, lors de réunions en visioconférence avec le gouvernement.

Un dispositif massif de chômage partiel

Pour éviter des vagues de licenciements, a été mis en place un mécanisme exceptionnel et massif de chômage partiel applicable pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, y compris les apprentis. Sont concernées toutes les entreprises qui subissent une baisse partielle ou totale de leur activité.

Le salarié en chômage partiel est indemnisé par son employeur à hauteur de 70% du salaire brut, soit 84% du salaire net. Le montant de l’indemnité versée au salarié à temps plein ne peut être inférieur au Smic. Ce montant était jusqu’à présent pris en charge intégralement par l’État à hauteur de 4,5 Smic. A partir du 1er juin, l’État va réduire à 85% sa prise en charge du chômage partiel. L’employeur sera tenu de verser les 15% restants. La compensation à 100% sera uniquement maintenue pour les entreprises contraintes à des fermetures administratives en raison de la crise sanitaire (tourisme, hôtellerie-restauration, culture...).

Dans le secteur de l’hôtellerie-restauration, l’indemnisation se fait sur la base de 39 heures, durée conventionnelle de travail dans ce secteur. C’était une revendication de FO.

Et pour tous les salariés, une ordonnance du 22 avril prévoit que les heures supplémentaires régulières soient intégrées aux heures indemnisables, dès lors qu’elles sont prévues de manière conventionnelle ou contractuelle.

Le ministère du travail a mis en place un simulateur en ligne pour permettre aux salariés d’estimer en amont l’indemnité d’activité partielle qu’ils pourraient toucher si leur employeur décidait de les placer en activité partielle : http://www.simulateurap.emploi.gouv.fr/

Attention, en cas de réduction du temps de travail, l’indemnisation n’est calculée que sur les heures chômées. Les heures travaillées restent rémunérées normalement.

Par ailleurs, certaines conventions collectives ou accords d’entreprises peuvent être plus avantageux. C’est notamment le cas dans la branche Syntec (entreprises numériques) qui prévoit pour certaines catégories de travailleurs d’aller au-delà de 84%.

Pour que les salariés ne soient pas lésés financièrement par la crise sanitaire, FO revendique que le différentiel avec le salaire puisse être compensé par l’entreprise. Une ordonnance du 22 avril prévoit (article 5) que si la somme de l’indemnité légale d’activité partielle et de l’indemnité complémentaire excède 70% de 4,5 fois le Smic, la part de l’indemnité complémentaire versée par l’employeur, au-delà de ce montant, ne sera plus exonérée de cotisations sociales à partir du 1er mai. Il s’agit d’une réponse partielle à la revendication de FO.

La ministre du Travail a précisé début mai que la période de chômage partiel permettra d’acquérir des droits à la retraite, ce qui n’était pas possible avant la crise sanitaire.

Jusqu’alors, l’activité partielle était forcément une mesure collective. Une ordonnance du 22 avril permet à l’employeur de la mettre en place de façon individualisée dans l’entreprise, avec accord collectif ou avis conforme du CSE. Ce dispositif est possible durant l’état d’urgence sanitaire en vue du maintien ou de la reprise de l’activité.

Dans un courrier daté du 23 avril, le secrétaire général de FO a prévenu la ministre du Travail qu’il s’opposerait à toute prolongation de cette mesure qui est susceptible très rapidement de conduire à des inégalités - principalement salariales - entre les salariés. Pour FO, cette nouvelle disposition devrait s’accompagner du versement par les entreprises de 100% du différentiel entre l’indemnisation de chômage partiel et le salaire pour les salariés concernés.

En réponse à une demande de la confédération FO, un dispositif analogue à l’activité partielle a été mis en place pour les salariés du particulier employeur (femmes de ménage, assistantes maternelles...) qui n’ont plus de travail ou en ont moins. L’employeur continuera de leur verser 80% du salaire habituel. Il se fera ensuite rembourser par le Cesu.

L’ordonnance du 22 avril prévoit de relever le plafond des heures indemnisables non travaillées jusqu’à 40 heures pour les salariés du particulier employeur et 45 heures pour les assistantes maternelles.

Le chômage partiel est également étendu aux CDD et intérimaires. C’était une revendication de FO pour éviter les ruptures des contrats.

Les travailleurs indépendants ainsi que les travailleurs des plateformes (type Uber, Deliveroo) pourront bénéficier du fonds de solidarité mis en place pour les TPE et PME, et qui permettra le versement d’une indemnité forfaitaire de 1500 euros par mois.

Les parents de jeunes enfants et les personnes vulnérables placés en chômage partiel

Lorsque le télétravail ne peut pas être mis en place, pour assurer la garde d’un enfant de moins de 16 ans ou un enfant en situation de handicap sans limite d’âge, l’un de deux parents pouvait dans un premier temps être mis automatiquement en arrêt maladie indemnisé, sans jour de carence. Ce dispositif concernait également toutes les personnes vulnérables, donc susceptibles d’être plus gravement affectées par le Covid-19. Le salarié concerné était alors rémunéré à au moins 90% du salaire net, sans condition d’ancienneté.

Depuis le 1er mai 2020, pour ces deux catégories de salariés, les arrêts maladies ont été automatiquement transformés en activité partielle. Ce changement ne concerne pas les travailleurs indépendants, les fonctionnaires et les agents contractuels de droit public qui peuvent continuer à bénéficier d’arrêts de travail.

A partir du 2 juin, les parents d’enfants qui ne peuvent pas être accueillis à l’école pour des raisons sanitaires devront obligatoirement présenter une attestation de l’école pour continuer à bénéficier du chômage partiel. Les personnes vulnérables qui ne peuvent pas télétravailler seront quant à elles maintenues en activité partielle.

Des congés imposés

Dans le secteur privé, une ordonnance du 25 mars modifie les règles en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos. L’employeur peut imposer la prise de congés payés dans la limite de six jours ouvrables ou modifier les dates d’un congé déjà posé, en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc. Mais il faut pour cela un accord collectif de branche ou d’entreprise. L’employeur peut également imposer ou modifier la prise des journées de repos (RTT, repos conventionnel...) dans la limite de 10 jours.

Pour deux versants de la Fonction publique, à l’État et à la territoriale, une ordonnance du 15 avril stipule que les agents en autorisation spéciale d’absence peuvent se voir imposer jusqu’à 10 jours de congés : 5 jours de RTT pris entre le 16 mars et le 16 avril et 5 autres jours pris entre le 17 avril et la date de reprise du service dans des conditions normales. En l’absence de RTT, les jours seront décomptés en congés payés, dans la limité de 6 jours. Pour les agents en télétravail, la pose de jours est laissée à l’appréciation du chef de service, dans la limite de 5 jours entre le 17 avril 2020 et la date de reprise. La fédération FO des fonctionnaires a dénoncé des dispositions « insupportables et iniques ».

Les enseignants et les agents de la fonction publique hospitalière ne sont pas concernés par ces dispositions.

La loi prévoit aussi une dérogation au repos hebdomadaire et dominical dans les secteurs stratégiques. FO s’est opposée à cette mesure qui risque d’ajouter au risque d’épidémie un risque de fatigue, d’épuisement par des temps de travail plus importants et des temps de repos réduits.

Le télétravail à grande échelle

Pour poursuivre leur activité, les entreprises ont l’obligation, lorsque c’est possible, de mettre en place le télétravail. Selon le ministère du Travail, près de 4 emplois du 10 sont compatibles avec le télétravail. Et selon un sondage Odoxa, 24% des salariés le pratiquent actuellement. Dès le début du confinement, FO avait demandé à la ministre du Travail la prise en considération des conditions particulières de garde d’enfants à domicile, ne permettant pas aux parents d’être forcément aussi opérationnels qu’en temps normal.

Le 19 avril, le Premier ministre a appelé à maintenir le télétravail "dans toute la mesure du possible" après le 11 mai, date prévue du confinement. Dans son allocation du 29 mai, le Premier ministre a répété que « le principe du recours au télétravail doit toujours être privilégié » après le 2 juin.

Plus de protection pour les salariés qui se rendent sur leur lieu de travail

Pour les salariés qui sont obligés de se rendre physiquement sur leur lieu de travail, l’employeur est tenu de respecter et faire respecter les gestes barrière et les règles de distanciation. Il doit aussi repenser son organisation pour limiter les réunions ou les regroupements de salariés dans les espaces réduits.

La confédération revendique aussi pour ces salariés le renforcement massif de toutes les dispositions permettant de les protéger : accès à un point d’eau avec savon, mise à disposition de solution hydro-alcoolique, respect des distances de protection, port du masque et installation de vitrage de protection si nécessaire...

Des primes exceptionnelles de pouvoir d’achat

Le gouvernement encourage les employeurs à verser une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat aux salariés qui continuent à se rendre sur leur lieu de travail en pleine épidémie de Covid-19. Le plafond d’exonération de cotisations est fixé à 1000 euros, et 2000 euros dans les entreprises qui ont un accord d’intéressement ainsi que les associations et fondations reconnues d’utilité publique ou intérêt général.

Le montant de la prime peut être modulé selon les postes pour tenir compte de l’exposition des salariés aux risques sanitaires.

Pour FO, cette modulation ne doit pas aboutir pour certains salariés à une prime exceptionnelle égale à zéro, comme l’autorise désormais le gouvernement. La confédération demande que la prime soit versée à l’ensemble des bénéficiaires, avec la fixation d’un plancher minimal de versement, quel que soit le critère retenu.

Pour le personnel hospitalier, les heures supplémentaires effectuées à l’hôpital pendant la crise sanitaire sont majorées de 50%.

Les agents travaillant dans les établissements publics de santé percevront, selon leur niveau d’exposition au Covid-19 et la zone géographique, une prime d’un montant allant de 500 à 1500 euros. Elle sera versée en mai ou juin. La Fédération des personnels des services publics et des services de santé FO déplore que la prime, décidée sans négociations préalables avec les syndicats, ne soit pas identique pour tous à hauteur minimale de 1 500 €, et que des critères de présence et géographiques conduisent à des injustices et de l’iniquité entre les agents.

Selon le décret publié le 15 mai au JO, cette prime concerne également certains agents civils et militaires du ministère des Armées et de l’Institution des Invalides mais pas les agents des établissements privés. Le gouvernement a promis un autre décret propre aux soignants des Ehpad, du secteur médico-social et du handicap, qui se fait attendre. Selon le ministre de la Santé, les personnels des Ehpad percevront une prime d’un montant de 1 500 euros dans les 33 départements les plus touchés et de 1000 euros dans les autres territoires.

Une prime jusqu’à 1000 euros sera versée à certains fonctionnaires qui poursuivent leur mission de service public. Une prime de 500 euros est par ailleurs accordée aux familles d’accueil de l’aide à l’enfance (ASE).

La fédération FO fonctionnaires rappelle que des primes n’empêchent pas de tomber malade. Elle soulignait le 16 avril que bien des agents travaillaient toujours sans les moyens de protection indispensables.

Plutôt que des mesures ponctuelles et à la discrétion de l’employeur, FO revendique une augmentation de salaire pour ceux qui occupent des emplois essentiels (hospitaliers, Ehpad, caissières, services à la personne, nettoyage, chauffeurs-livreurs...).

Les familles les plus modestes, bénéficiaires du RSA ou de l’allocation de solidarité spécifique, ont perçu à partir du 15 mai une aide d’urgence de 150 euros, à laquelle s’ajoute la somme de 100 euros par enfant. Les familles qui touchent uniquement des aides au logement ont perçu également 100 euros par enfant.

Report de la réforme de l’Assurance chômage

L’indemnisation des demandeurs d’emploi arrivés en fin de droits entre le 1er mars et le 31 mai 2020 est automatiquement rallongée. Pour une fin de droits survenue en mars, la durée de la prolongation est de 91 jours calendaires à compter de la date de fin de droits. Cette durée est de 60 jours calendaires pour une fin de droits intervenue en avril et de 30 jours calendaires pour une fin de droits intervenue en mai.

Toutes les règles relatives au contrôle des demandeurs d’emploi sont suspendues durant ce temps.

La période de référence pour l’affiliation, normalement de 24 mois, est allongée de la durée de la période de crise sanitaire, soit trois mois. Les périodes de chômage partiel ne sont pas prises en compte dans le salaire de référence lors du calcul des droits à l’Assurance chômage, pour ne pas léser les demandeurs d’emploi.

En revanche, il faut toujours avoir travaillé 6 mois au cours de la période de référence pour être indemnisé ou recharger ses droits.

FO déplore que le gouvernement n’ait pas assoupli les règles durant la crise sanitaire.

La dégressivité des allocations chômage, en vigueur depuis le 1er novembre 2019, est suspendue pour toute la durée de la crise sanitaire.

Les nouvelles règles d’Assurance chômage qui devaient entrer en vigueur au 1er avril 2020 sont reportées au 1er septembre 2020. Elles prévoient de calculer l’indemnisation sur le salaire mensuel moyen (y sont inclus les jours non travaillés) au lieu du SJR (Salaire journalier de référence ne prenant en compte que les jours travaillés).

Cette réforme, dénoncée par FO, va réduire l’indemnisation de nombre de demandeurs d’emploi, voire la supprimer pour les plus précaires. FO en appelle à son abandon et au rétablissement des conditions de prise en charge en matière d’entrée dans les droits, de droits rechargeables et d’indemnisation de la convention négociée en 2017.

Pour les intermittents du spectacle, qui doivent justifier, à une date anniversaire, d’avoir travaillé au moins 507 heures sur les 12 derniers mois, les droits seront prolongés jusqu’en août 2021. C’est une « année blanche ».

Les conditions de la démission légitime sont aménagées. Cela concerne les salariés qui ont démissionné avant la crise pour être embauchés dans une autre entreprise. Mais cette embauche n’a pas encore pu se concrétiser en raison de la situation sanitaire. Ces démissionnaires seront admis à l’Assurance chômage sans condition. Ils devaient jusqu’à présent justifier de 3 ans d’affiliation continue et d’un nouveau contrat de travail en CDI.

Suppression du délai de carence des arrêts maladie

La loi instaurant l’état d’urgence sanitaire, promulguée le 23 mars, supprime le délai de carence des arrêts maladie tant pour les salariés du privé que les fonctionnaires et agents publics, pour toute la durée de la période d’état d’urgence sanitaire. C’était une revendication de FO.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante