Les mousquetaires de Jouhaux

Histoire par Christophe Chiclet

Matignon, 1948. Delamarre, Bouzanquet, Bothereau, Jouhaux, Neumeyer et Lafond vont être reçus par le président du Conseil, Robert Schuman, pour discuter des salaires et des prix. DR

En 1921, les partisans du syndicat aux ordres du parti communiste (PCF) avaient échoué à prendre le contrôle de la CGT, ils vont partiellement y arriver à la Libération. Beaucoup d’amis de Léon Jouhaux vont l’abandonner sauf ses mousquetaires : Robert Bothereau, Pierre Neumeyer, Albert Bouzanquet et Georges Delamarre.

Fort de l’entrée en résistance de nombre de ses militants, le PCF, sur ordre de Moscou, part à la conquête de la CGT. En 1946, les communistes contrôlent la majorité du Secrétariat confédéral. La guerre froide va précipiter l’explosion de la CGT. Le 24 juillet 1947 Jouhaux soutient le plan Marshall. Mais les 12 et 13 novembre, le CCN tenu par les communistes le rejette et lance des grèves insurrectionnelles une semaine plus tard. La scission est désormais évidente. Mais certains amis de Jouhaux la refusent, se tenant à équidistance de Jouhaux et de Frachon : Louis Saillant, Alain Le Léap, Lucien Jayat et Édouard Ehni. Ils feront ainsi le jeu des communistes. Au Bureau confédéral, il n’en reste alors plus que quatre : Bothereau, Neumeyer, Bouzanquet et Delamarre, qui, à l’appel du Groupe Central « Force Ouvrière » de la CGT, démissionnent le 19 décembre.

Ce que les communistes n’ont pas réussi à faire en 1921, prendre le contrôle de la CGT, ils vont partiellement y arriver à la Libération. Beaucoup d’amis de Léon Jouhaux vont l’abandonner, sauf ses mousquetaires : Robert Bothereau, Pierre Neumeyer, Albert Bouzanquet et Georges Delamarre.

Pierre Neumeyer est l’un des pères fondateurs du syndicalisme de la fonction publique à l’époque où les fonctionnaires n’ont pas le droit de se syndiquer. Dès novembre 1940, il rentre dans la clandestinité. À la Libération le journal Résistance Ouvrière est logé dans la Maison des fonctionnaires. À la scission il entraîne la majorité des fonctionnaires à FO, sauf les postiers et les enseignants.

De son côté, Georges Delamarre fait ses premières armes syndicales chez Renault dès 1933. Grand résistant à Libération-Nord (réseau de résistance en lien avec le journal du même nom), il est déporté à Buchenwald. À la Libération, autodidacte passionné d’économie, il devient secrétaire confédéral FO chargé des salaires et des conventions collectives. En 1952, il quitte ce poste pour prendre en main la fédération de la métallurgie.

Albert Bouzanquet, lui, fait ses classes syndicales dans l’administration coloniale de Tunisie dès 1925. Il rejoint la France Libre à Alger dès 1943. À la Libération il dirige le journal de la CGT, Le Peuple, et sera le premier directeur du journal Force Ouvrière. Il quitte ses activités syndicales en 1950.

 

ROBERT BOTHEREAU : LE MOINE SOLDAT
Pour succéder à Léon Jouhaux et prendre en main la construction de la CGT-FO dans un contexte extrêmement difficile, il fallait un homme à part : courageux, inflexible et grand organisateur. Bothereau fut cet homme-là de 1948 à 1963. Il participe à la reconstitution de la CGT clandestine au Perreux en avril 1943. En 1946, il organise les groupes des « Amis de FO », puis le « Groupe Central FO », et est l’un des premiers à préconiser une stratégie de reconquête de la CGT, alors à 70 % aux mains des communistes. C’est lui qui va convaincre Jouhaux de sauter le pas de la scission. Dès novembre 1949, il lance la toute jeune FO dans la grève pour la libération des salaires et arrache le vote de la loi sur les conventions collectives en février 1950. Contre vents et marées, il a installé FO dans la continuité.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante