Les Outremer tirent la sonnette d’alarme

InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

Les représentants FO ultramarins s’inquiètent des conséquences de la vie chère sur les populations et craignent une flambée des mouvements sociaux. Ils demandent des mesures, notamment pour encadrer les prix et relever le niveau des retraites.

On ne veut pas que ça flambe comme en Martinique, il faut trouver une solution, alerte Ursula Folk, secrétaire générale de l’union départementale de Guyane et présidente de l’AFOC guyanaise. Depuis la rentrée les consommateurs sont affolés et cherchent à organiser un mouvement de protestation. Participant au Comité confédéral national, des représentants FO de Martinique, Guyane, Mayotte, la Réunion, Saint-Pierre et Miquelon, Polynésie française, Wallis et Futuna et Nouvelle Calédonie portent un cahier de revendications que le secrétaire général de la confédération, Frédéric Souillot, a transmis au Premier ministre. Ces territoires sont affligés d’un mal commun : un coût de la vie bien plus élevé qu’en métropole. Celui-ci est lié, pour partie, à l’octroi de mer (une taxe appliquée sur tous les biens importés). Mais il ne faut pas se tromper de responsable : l’octroi est très utile, il participe au financement les collectivités locales, explique Éric Bellemare (Martinique).

Vue chère mais niveau de revenu faible

D’autres facteurs pèsent sur le coût de la vie : la majeure partie des produits de consommation courante sont importés, et leur transport coûte cher. Aux Antilles-Guyane, un transporteur maritime domine la logistique, libre d’imposer ses tarifs. De plus le circuit d’importation/distribution est généralement aux mains d’une ou deux grandes entreprises dont le quasi-monopole empêche la concurrence sur les prix. Nous avons aussi, au long de la chaîne d’approvisionnement, une multiplication des intermédiaires qui perçoivent chacun de l’octroi de mer et réalisent des marges, ce qui amène certains produits à être 100 % voire 200 % plus cher qu’en métropole, souligne Éric Bellemare (Martinique).

En ce qui concerne Mayotte, Arkadine Abdoul-Wassion cite l’exemple d’un pack d’eau de même marque vendu 2,10 euros dans l’Hexagone et 15.20 euros sur l’île. L’Insee confirme qu’en moyenne les prix des produits alimentaires en outremer sont de 30% à 42 % supérieurs à ceux sur le continent.

A tout cela s’ajoute le procédé des marges arrière pratiquées dans la grande distribution : des remises différées sont accordées au distributeur par le fournisseur et sont fonction en général du volume des ventes réalisées. Or, ces remises ne sont pas répercutées sur le prix payé par le consommateur. Ce que l’on voudrait c’est un vrai dialogue tripartite, avec les représentants de l’État et les distributeurs, mais les entreprises refusent jusqu’à présent de nous rencontrer, explique Ursula Folk.

Le prix de l’énergie participe aussi de la vie chère sur les territoires ultramarins. Il est plus cher de 3.8 % en Guadeloupe, par rapport à la métropole, de 5.5 % en Guyane ou encore 7 % en Martinique. Les prix élevés touchent aussi les transports entre ces territoires et la métropole. Ainsi la dotation de continuité territoriale qui permet de diminuer les prix de ces transports est au total de 53 millions d’euros pour l’entièreté de ces territoires qui comptent 2,8 millions d’habitants. En revanche, remarquent les militants FO ultramarins, la dotation s’élève à 147 millions d’euros pour la Corse qui compte 350 000 habitants. Le billet en période creuse pour venir à Paris coûte 1500 euros, observe ainsi Arkadine Abdoul-Wassion.

Des fonctionnaires retraités à la peine

Autant de situations aberrantes face au niveau de vie des habitants des territoires ultramarins. Des territoires qui pour certains, affichent un salaire minimum inférieur à celui de l’hexagone. Il est par exemple de 8,58 euros de l’heure en Polynésie ou encore de 8,25 euros en Nouvelle-Calédonie. Il y a aussi chez nous beaucoup de laissés pour compte, observe Patrick Galenon (Polynésie française). Nous sommes un paradis de plus en plus pauvre. Éric Bellemare souligne que le niveau de vie de 26 % de la population martiniquaise se situe en dessous du seuil de pauvreté. Des salariés et des fonctionnaires émargent aux associations d’aide alimentaire s’indigne-t-il.

Les pensions des fonctionnaires sont un autre motif de colère avec la non-prise en compte des primes dans le calcul de la pension et la suppression de la majoration pour vie chère aux agents publics retraités. A Saint-Pierre et Miquelon un agent part avec l’équivalent de 50 % de sa rémunération totale, estime Lionel Aubry. Les fonctionnaires d’État bénéficient d’une mesure compensatoire dont nous souhaitons qu’elle soit étendue aux autres agents, hospitaliers et territoriaux.

Dans le Pacifique, la disparition de l’indemnité temporaire de retraite pour les fonctionnaires fait aussi des dégâts, amenant la pension de certains au niveau du minimum vieillesse. Un rapport de l’Assemblée nationale (rapport Atger) sur la réforme de ce dispositif ITR indique des taux de remplacement entre 41 et 47 %. Outre l’abrogation de la réforme des retraites, nous demandons un amendement spécifique pour un mécanisme compensant la perte de l’ITR souligne Patrick Galenon.

Que l’État prenne ses responsabilités !

En Nouvelle-Calédonie, les récents mouvements sociaux ont entrainé la perte d’au moins 7 000 emplois et la mise au chômage, totale ou partielle, de quelque 24 000 travailleurs. Pour FO, Jérôme Le Péchoux (Confédération des travailleurs des syndicats de la Calédonie) porte une demande spécifique : Nous voulons que l’État prenne ses responsabilités. On voudrait nous aider à reconstruire via des prêts. Il faut plutôt des subventions, qui ne soient pas conditionnées à des dégradations supplémentaires de la réglementation du travail.

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération