Les premières sociétés ouvrières de secours mutuel

Histoire par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Dès sa création, FO a toujours été en pointe dans la consolidation et la défense de la Sécurité sociale. Cette dernière est l’héritière des sociétés de secours mutuel.

La solidarité existait déjà au sein des corporations d’artisans au Moyen Âge. À Perpignan, les ouvriers cordonniers ont fondé leur société de secours dès 1326. Avec 1789, les premières sociétés de secours mutuel modernes voient le jour. En 1790 est fondée la Société typographique parisienne, avec des statuts très précis sur les prestations à verser en cas de maladie et de vieillesse. Mais la sinistre loi Le Chapelier de juin 1791 va stopper leur essor. Le mouvement reprend sous l’Empire. Une Société de bienfaisance et des secours mutuels est créée à Lyon en 1804, puis, quatre ans plus tard, naît celle des chapeliers parisiens. En 1814 il existe cent quatre-vingts sociétés de secours dans toute la France. En 1820, les garçons bouchers de la capitale fondent leur caisse. Ces sociétés ressentent le besoin de s’unir, d’où l’apparition du Conseil des sociétés de secours mutuel des Bouches-du-Rhône en 1821. Les canuts lyonnais ont la leur dix ans plus tard. En 1847 il en existe mille deux cent quatre-vingt-quinze dans tout le pays. Le 15 juillet 1850, la Deuxième République vote une loi donnant un statut légal à ces sociétés de secours, reconnues d’utilité publique. Enfin, le 28 septembre 1902, la Fédération nationale de la Mutualité française voit le jour.

En 1901, les sociétés de secours mutuel protègent 2,6 millions d’adhérents. Ils seront 4,5 millions en 1914 et 8 millions en 1938.

L’exemple grenoblois

Dès 1820, en pleine restauration royaliste, les ouvriers gantiers grenoblois définissent déjà parfaitement la solidarité ouvrière :  On n’a jamais bien compris le but de cette institution, que l’on a trop souvent assimilée aux bureaux de charité ; pourtant, quelle différence !... Chez nous au contraire, les secours que la société accorde sont des droits acquis, tous les sociétaires peuvent être à la fois obligeants et obligés ; c’est une famille qui réunit en commun le fruit de ses labeurs pour pouvoir s’entraider mutuellement, ce sont des frères qui tendent les bras à leurs frères… Les droits sont tous égaux, nulle autre différence que celle des malheurs ; celui qui se trouve favorisé par la fortune peut s’en voir abandonné ; alors, ses droits sont indiscutables et ce qu’il a fait pour ses frères doit être fait pour lui… Chez nous, le reproche est un crime, la divulgation une faute sévèrement punie ; pourquoi ? Parce que celui qui reçoit ne reçoit rien de personne, c’est sa propriété qu’on lui remet, c’est son bien qu’il dépense, il ne doit aucun remerciement, le contrat est réciproque  [*]. Les Grenoblois du début du XIXe siècle auraient-ils inventé l’essence même de notre Sécurité sociale née en 1945 ?

* « La solidarité ouvrière », in La force de l’Histoire, FO Hebdo, numéro hors série, février 1996, p. 10.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération