Les travailleurs des pays les moins avancés durement touchés par les récentes crises

InFO militante par L’inFO militante, Maud Carlus

Un rapport de l’OIT publié fin avril souligne que les progrès économiques et sociaux des pays les moins avancés ont été sensiblement ralentis par la pandémie, le changement climatique et les crises énergétique et alimentaire. Les quarante-six pays concernés pâtissent notamment de la faiblesse de leurs institutions et de leurs systèmes de protection sociale.

Ce n’est malheureusement pas une surprise. Les pays les moins avancés (PMA) du monde ont été plus durement touchés par les récentes crises, que les pays développés. La crise climatique, la pandémie de Covid-19, et plus récemment la guerre en Ukraine, enrayent le développement socio-économique de ces PMA. Selon les termes du récent rapport de l’OIT, les effets de la pandémie menacent d’annuler certains progrès réalisés au cours des dernières décennies et d’exacerber les défis existants.

Actuellement quarante-six, les PMA représentent 12% de la population mondiale. Ils sont situés en Afrique pour trente-trois d’entre eux (Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Érythrée, Éthiopie,...), en Asie pour neuf autres (Afghanistan, Bangladesh, Bhoutan, Cambodge, Myanmar, Népal etc.) et enfin un groupe insulaire (Haïti, Îles Salomon, Kiribati et Tuvalu). Recensés par l’ONU, ils sont notamment caractérisés par de faibles niveaux de revenus, une vulnérabilité aux chocs économiques et environnementaux, une extrême pauvreté et des taux de mortalité élevés.

Chute du taux d’emploi de 2,6% dans les pays les moins avancés

Le rapport de l’OIT, s’appuyant sur des statistiques relevées au cours de ces trois dernières années, déplore notamment la dégradation des conditions de travail dans les PMA. Ainsi, le taux d’emploi y aurait chuté de 2,6 % entre 2019 et 2020, pour s’établir à 61,4% d’actifs à temps plein, au sein de la population en âge de travailler. En comparaison, dans les pays développés, l’emploi a diminué bien moins fortement pendant la pandémie, de 1,9%, soit un taux de 55,4%.

Dans les PMA, des centaines de millions de personnes ont soit perdu leur emploi soit vu leurs revenus baisser, alerte Guy Ryder, le directeur général de l’OIT. Les femmes, déjà largement moins présentes que les hommes sur le marché du travail, ont, elles, été encore plus impactées. Entre 2019 et 2020, le taux d’emploi des travailleuses a ainsi reculé de 2,8 points dans les PMA, contre 2,4 pour les hommes.

Quatre milliards de personnes dans le monde sont sans protection sociale

Des chiffres qui n’étonnent pas Marjorie Alexandre, Secrétaire confédérale au secteur International de FO. L’impact de la pandémie sur les PMA est un grand sujet d’inquiétude et ce depuis le début de l’épidémie. Le constat fait par l’OIT est cohérent avec les difficultés d’accès à la santé, la pauvre couverture vaccinale et les infrastructures moins à même d’accueillir les populations. Ajoutons à cela la logique économique mondialisée et il est évident que les plus touchés sont les pays les plus fragiles de la chaîne.

Le rapport de l’OIT pointe également la faiblesse des institutions de ces pays, notamment celles organisant le travail, et des systèmes de protection sociale, insuffisants pour soutenir les millions de travailleurs ayant perdu leur emploi. Ces pays cumulent perte d’emploi et absence de protection sociale, ce qui conduit très vite à la pauvreté, ajoute la militante, qui rappelle qu’à ce jour, plus de 4 milliards de personnes dans le monde restent totalement dépourvues de protection sociale.

90% du travail est de l’emploi informel dans les PMA

La nécessité d’une protection sociale est un dossier porté par FO depuis de nombreuses années. FO et les syndicats internationaux œuvrent pour la mise en place d’une protection sociale dans le monde, ce qui s’est traduit par la recommandation 202 de la CSI (Confédération Syndicale Internationale) et la revendication de la création d’un Fonds mondial de protection sociale.

Au-delà des constats faits par l’OIT, c’est bien sûr la question du travail dans son ensemble qui pose problème dans les PMA. Selon le rapport de l’OIT, les emplois sont à 90% des emplois informels, responsables d’une forte précarisation des populations. On en compte même 96% dans les secteurs agricole, forestier et piscicole, touchés de plein fouet lors de la pandémie. D’autres secteurs où se concentrent les emplois informels, comme le commerce, l’alimentation, les transports, le service à la personne et travail à domicile, ont également été impactés. Même quelques semaines sans revenus ont des conséquences économiques graves pour des personnes qui travaillent dans (…) ces secteurs informels, souligne le rapport de l’OIT, qui préconise une formalisation de cette économie informelle.

La question climatique et la pauvreté sont directement corrélées

En lien avec le renforcement des institutions liées au travail, l’OIT préconise le développement d’instances afin de permettre l’exercice des droits, tels que la liberté d’association, la négociation collective et droits fondamentaux au travail, avec un appui des partenaires sociaux. Un dialogue social fort est incontournable pour faire avancer les choses, martèle Marjorie Alexandre. Malheureusement, il existe une corrélation entre la faiblesse des institutions d’un pays et la liberté syndicale. C’est pourquoi FO insiste sur l’importance de la négociation collective, particulièrement dans des pays où les travailleurs sont moins protégés, même s’il existe des syndicats dans les PMA. FO a notamment coopéré avec les organisations syndicales africaines.

La pandémie de Covid-19 n’est pas la seule cause de ralentissement du développement des PMA. Les effets du réchauffement climatique ont des conséquences alarmantes. Selon le rapport, certains pays en subissent déjà les retombées en termes de travail et d’emplois. Il y a désormais un impact majeur de la question climatique sur la pauvreté d’un pays, poursuit-elle. Dans des pays très chauds, l’aridité locale et le manque d’emploi sont corrélés. C’est ainsi que la gestion de l’eau a des conséquences sur les cultures, cela cause des pertes d’emploi et donc de la pauvreté. Ce sont des questions que le monde va devoir prendre à bras-le-corps rapidement.

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Maud Carlus