Deux cas doivent être distingués.
– Soit l’entreprise n’appartient pas à un groupe : dans ce cas, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité doivent être appréciées au niveau de l’entreprise avec ses établissements.
Lorsque l’entreprise dont le siège social est situé à l’étranger ne fait pas partie d’un groupe, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de l’entreprise dans sa globalité, et non simplement en se bornant à examiner la situation du seul établissement ou de la seule succursale situé sur le territoire national. Cette solution s’applique également lorsque le siège de l’entreprise est situé en France et que seuls des établissements secondaires ou des succursales sont situés à l’étranger.
Lorsque l’entreprise ne fait pas partie d’un groupe mais comporte plusieurs secteurs d’activité en son sein, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de l’ensemble de l’entreprise, sans se limiter au seul secteur d’activité affecté par le projet de licenciement.
– Soit l’entreprise appartient à un groupe : dans ce cas, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité s’apprécient au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient établies sur le territoire national.
Les ordonnances Macron ont modifié l’état de la législation lorsque l’entreprise appartient à un groupe. Auparavant, la jurisprudence retenait que la cause économique d’un licenciement s’appréciait au niveau de l’entreprise, ou si cette dernière faisait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans laquelle elle intervenait.
Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet était l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L 2331-1 du code du travail, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national (Cass. soc., 16-11-16, n°14-30063 ; Cass. soc., 12-6-01, n°99-41571).
Dorénavant, et malgré notre forte opposition, le gouvernement a réduit le périmètre d’appréciation de la cause économique au seul territoire national, sauf fraude.
Ces règles protectrices des salariés, qui ont été supprimées, font aujourd’hui clairement défaut à l’heure où les licenciements économiques se multiplient.
La notion de groupe au sens du licenciement économique est définie par renvoi direct aux dispositions du code de commerce. S’agissant de l’appréciation du périmètre de la cause économique du licenciement, l’article L 1233-3 du code du travail dispose que « la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L 233-1, aux I et II de l’article L 233-3 et à l’article L 233-16 du code de commerce ».
Alors que le code du travail permettait de reconnaître un groupe de façon extrêmement large, apprécié de façon très factuelle, les dispositions du code du commerce se réfèrent, de manière plus exigeante, à la notion d’influence dominante en vertu d’un contrat ou des statuts. On glisse ainsi d’une notion factuelle très large à une notion plus encadrée, supposant une influence dominante en raison d’un acte juridique. Reste à la Cour de cassation à préciser comment elle entendra la notion de contrat : celui-ci pourra-t-il être qualifié de manière souple (non formalisé, par exemple).
Le secteur d’activité correspond à des entreprises qui fabriquent des produits ou proposent des services de même nature, destinés à la même clientèle avec des réseaux et modes de distribution équivalents.
L’employeur détermine le secteur d’activité dans lequel les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise sont appréciées. Les salariés peuvent contester le choix de ce secteur devant le juge judiciaire.
S’inscrivant dans la même logique, le périmètre de reclassement est limité au territoire national. Concrètement, l’employeur n’a plus à proposer aux salariés des postes de reclassement à l’étranger. Alors qu’auparavant, les offres de reclassement devaient être sérieuses, précises et individuelles, l’employeur a désormais le choix entre :
– soit adresser de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ;
– soit diffuser, par tout moyen, une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés dans les conditions précisées par décret.
Pour rappel, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie. L’entreprise n’a à proposer des postes de reclassement au sein du groupe que si son organisation, ses activités ou son lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie de son personnel.
Les ordonnances Macron renvoient, pour l’appréciation du périmètre de reclassement, à la notion du groupe au sens du code de commerce. Elles calquent donc l’appréciation du périmètre de reclassement sur l’appréciation de la cause économique. Cette définition du périmètre du reclassement aboutit ainsi à exclure les sociétés franchisées, revenant sur un arrêt de la Cour de cassation qui avait jugé que le périmètre de reclassement, en matière de licenciement économique, s’applique à l’ensemble des commerçants d’un réseau de franchise (Cass. soc., 15-3-17, n°15-24392).
Attention, lorsqu’il existe un PSE et que celui-ci est contesté devant la juridiction administrative, il appartient aux salariés qui entendent remettre en cause leur licenciement économique de saisir le conseil de prud’hommes (CPH) dans un délai de 12 mois à compter de la notification de leur licenciement économique, sans attendre la décision du juge administratif sur le sort du PSE. Si le juge administratif est compétent pour trancher les litiges intervenus jusqu’à la décision de l’administration relative à l’adoption du PSE (que celui-ci soit mis en place par décision unilatérale de l’employeur ou par accord collectif), le juge judiciaire retrouve sa compétence à l’issue de la décision de l’administration, lors de la mise en œuvre de la procédure individuelle de licenciement. Le juge judiciaire doit se prononcer sur le bien-fondé du motif économique du licenciement, la régularité de la procédure de licenciement individuel, le respect des critères d’ordre et de l’obligation de reclassement.
Ainsi, il est conseillé au salarié de saisir le CPH alors que la nullité de la décision de l’administration, et celle des actes subséquents, n’est pas encore certaine. Tous les salariés souhaitant contester leur licenciement économique, licenciés consécutivement à un PSE, doivent saisir la juridiction prud’homale sans attendre. Une fois saisi, le CPH pourra alors surseoir à statuer dans l’attente de la décision définitive du juge administratif sur le sort du PSE. A défaut d’agir dans ce délai de 12 mois, l’action sera prescrite, peu important que le juge administratif n’ait pas encore statué de manière irrévocable sur le sort du PSE (Cass. soc., 11-9-19, n°18-18414).