Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou d’accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du CSE. A l’occasion de cette consultation, il doit indiquer quelles sont les catégories professionnelles concernées par les licenciements.
Ces critères prennent notamment en compte (art. L 1233-5 du code du travail) :
1. les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
2. l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;
3. la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
4. les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
Cette liste n’est pas limitative et l’employeur peut y ajouter d’autres critères. Il peut privilégier certains critères, sous réserve de n’en exclure et d’en neutraliser aucun. Par exemple, l’application uniforme d’un critère d’ordre, de sorte qu’il neutralise la capacité à déterminer quels salariés doivent être licenciés, équivaut à l’absence de prise en compte du critère (CE, 1-2-17, n°391744).
Les critères doivent être pertinents, objectivement justifiés et exempts de discrimination. Autrement dit, les critères doivent être objectifs, mais également leur application à chaque salarié doit résulter d’éléments vérifiables et objectifs et être mise en œuvre de manière loyale. Tel n’est pas le cas de la décision de l’employeur de valoriser, au titre des qualités professionnelles, un diplôme de langue de faible intérêt pour un poste administratif dans un établissement agricole, ou de pondérer le critère des charges de famille par tranches d’âge des enfants sans que cette distinction soit justifiée (Cass. soc., 18-1-23, n°21-19675 et n°21-19633).
En cas de contestation, il appartient à l’employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s’est appuyé pour arrêter son choix.
Lorsque tous les postes de la catégorie professionnelle sont supprimés, les critères d’ordre des licenciements n’ont pas lieu de s’appliquer. Dans cette hypothèse, chaque salarié occupant un poste supprimé est licencié, sauf à ce qu’il soit reclassé en interne. Également, lorsque le salarié qui occupe le poste à supprimer est le seul dans sa catégorie professionnelle, il n’y a pas lieu non plus à application des critères d’ordre.
Lorsque seulement certains postes au sein de la catégorie professionnelle sont supprimés, les critères d’ordre des licenciements visant à déterminer quels salariés vont être licenciés trouvent lieu à s’appliquer. Dans cette hypothèse, ce n’est pas forcément le salarié qui occupe effectivement le poste supprimé qui est licencié. Dit autrement, l’application des critères peut aboutir à licencier un salarié dont le poste n’est pas supprimé.
Les critères relatifs à l’ordre des licenciements s’appliquent à l’ensemble du personnel de l’entreprise et non pas au niveau des seuls services concernés par les mesures de licenciement pour motif économique. Ils s’apprécient au niveau de l’entreprise entière et non au niveau de l’établissement, même en cas de fermeture de celui-ci.
En l’absence d’accord collectif qui fixe le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements, l’employeur peut fixer unilatéralement un tel périmètre, sous réserve que celui-ci ne soit pas inférieur à la zone d’emploi concernée par les licenciements. Les zones d’emploi sont celles référencées dans l’atlas des zones d’emploi établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques et les services statistiques du ministre chargé de l’emploi (art. D 1233-2 du code du travail)
Le salarié peut, dans un délai de 10 jours à compter de la date de son départ de l’entreprise, demander à l’employeur les critères retenus.
La demande est adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. L’employeur doit répondre par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge dans les 10 jours suivant la présentation de la lettre du salarié ou la remise en main propre de celle-ci. A défaut de réponse ou en cas de réponse tardive, l’employeur s’expose à devoir verser des dommages et intérêts qui peuvent se cumuler avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ce délai de 10 jours est un délai strict ; si la demande est formulée, ne serait-ce qu’un seul jour après son expiration, l’employeur n’est pas tenu d’y répondre. En revanche, le salarié peut formuler sa demande en cours de préavis ou même dès la notification de son licenciement.
Lorsque le litige porte sur la définition des catégories professionnelles ou sur une contestation des critères d’ordre et de leurs règles de pondération (qui est différent d’un litige sur l’application des critères d’ordre des licenciement) celui-ci relève, en présence d’un PSE unilatéral, de la compétence du juge administratif. Les salariés qui souhaitent contester ces points doivent introduire un contentieux dans le délai de deux mois à compter du jour où la décision d’homologation a été portée à leur connaissance
A l’opposé, l’inobservation ou la mauvaise application des critères d’ordre de licenciement est de la compétence du juge judiciaire (Cass. soc., 16-2-22, n°20-14969).
L’inobservation des règles de l’ordre des licenciements, qui n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, constitue une illégalité qui entraîne pour le salarié un préjudice, pouvant aller jusqu’à la perte de son emploi, sans cumul possible avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou avec l’indemnité prévue par l’article L 1233-58, II, alinéa 7 du code du travail.
Le juge doit apprécier l’étendue du préjudice subi par chacun des salariés au vu de leur situation personnelle et professionnelle particulière respective, la réparation de ce préjudice n’étant pas soumis au plafond du barème de l’article L 1235-3 du code du travail.
Autrement dit, l’échelle des dommages-intérêts pouvant être accordée par les juges du fond peut être plus large que celle prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque l’indemnisation s’apprécie au regard de l’entier préjudice réellement subi par le salarié. L’indemnité sera conséquente s’il s’avère que le salarié n’aurait pas été licencié si les critères avaient été respectés ou si le salarié a peu de chances de trouver un nouvel employeur. Elle sera moindre si, par exemple, le salarié a retrouvé rapidement un emploi.