Licenciement pour inaptitude : impossibilité de reclassement et obligation de consulter le CSE

Maladie - Inaptitude par Secteur des Affaires juridiques

L’obligation de consulter les délégués du personnel (ou, le cas échéant, le CSE) avant de proposer un poste de reclassement s’applique que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non (art. L 1226-10 et L 1226-2 du code du travail). Cette consultation n’est prévue qu’avant la proposition de reclassement.

Se pose la question de savoir si cette obligation de consulter les délégués du personnel (ou, le cas échéant, le CSE) existe en l’absence de proposition de reclassement.

Traditionnellement la Cour de cassation considère que l’obligation de consulter les DP (ou, le cas échéant, le CSE) s’applique dès lors qu’un salarié est déclaré inapte même lorsqu’il est question d’impossibilité de reclassement (Cass. soc., 22-6-94, n°91-41610).

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a pu semer le doute en précisant que si les dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail exigent que l’avis des délégués du personnel (ou, le cas échéant, du CSE) intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l’absence de proposition de reclassement ni de ce texte, ni de l’article L 1226-12 du code du travail (Cass. soc., 5-10-16, n° 15-16782).

Une lecture un peu rapide de cet arrêt laisse à penser qu’à défaut de texte, il n’existe pas d’obligation de consulter les délégués du personnel (ou, le cas échéant, le CSE) en l’absence de proposition de reclassement.

Pour nous, l’arrêt du 5 octobre 2016 ne doit pas être mal interprété : il ne signifie nullement qu’il n’est pas nécessaire de consulter les délégués du personnel en cas d’impossibilité de reclassement ; il porte exclusivement la question du moment de la consultation (voir en ce sens Jurisprudence Sociale Lamy, n°435, 11 juillet 2017, commentaire par Jean-Philippe Lhernould sous arrêt Cass. soc., 23-5-17, n°15-24713).

Ainsi, FO plaide que la consultation des délégués du personnel (ou, le cas échéant, du CSE) est obligatoire sur l’impossibilité de reclassement, même lorsqu’il n’y a pas de proposition de reclassement.

De même, selon nous, lorsqu’il n’y a pas d’obligation de reclassement (c’est-à-dire lorsque l’avis du médecin du travail précise que le salarié est inapte et que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi), la consultation du CSE devrait être faite. Autrement dit, même en présence d’une dispense légale de reclassement, la consultation du CSE doit, pour nous, avoir lieu.

Pour FO, les délégués du personnel (ou, le cas échéant, le CSE) doivent être consultés en cas d’inaptitude, dans tous les cas de figure.

N’ayant pas de proposition de reclassement, la consultation peut alors avoir lieu à tout moment entre le constat de l’inaptitude et l’entretien préalable de licenciement, même après avoir informé le salarié de l’impossibilité de reclassement.

En l’absence de consultation des DP ou du CSE en cas d’inaptitude professionnelle ou non, le licenciement doit être reconnu comme sans cause réelle et sérieuse et le salarié doit pouvoir prétendre aux indemnités pour licenciement abusif de droit commun (caractérise un manquement à son obligation de reclassement rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le non-respect par l’employeur de la consultation des DP (dorénavant CSE) en cas de licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle : Cass. soc., 30-9-20, n°19-11974, PBRI).

A noter que le syndicat peut agir en justice et demander le paiement de dommages-intérêts au motif que le défaut de consultation des délégués du personnel (ou, le cas échéant, du CSE) porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession (Cass. soc., 28-5-15, n°13-28680).

FO attend impatiemment un arrêt de la Cour de cassation qui viendrait confirmer explicitement notre point de vue…Un arrêt, postérieur à 2016, laisse sous-entendre que l’obligation de consulter les DP s’applique même lorsque le reclassement n’est pas possible (Cass. soc., 3-5-18, n°14-20214). Un arrêt récent confirme notre grande interrogation en décidant que les délégués du personnel (dorénavant CSE) doivent être consultés même en l’absence de proposition de reclassement du salarié inapte (Cass. soc., 30-9-20, n°19-16488). La Cour de cassation jugera-t-elle de même lorsqu’il n’y a pas d’obligation légale de reclassement ? Nous l’espérons.

Dans un arrêt en date du 8 juin 2022, la Cour de cassation vient de répondre malheureusement négativement à cette dernière interrogation : « lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les délégués du personnel (dorénavant le CSE) : Cass. soc., 8-6-22, n°20-22.500).

 

Dernière minute :
La loi qui prévoit la consultation des DP (dorénavant CSE) n’impose aucune forme particulière pour recueillir cet avis quant au reclassement d’un salarié déclaré inapte. La consultation peut donc se faire par conférence téléphonique dès lors que chaque élu a émis un avis (Cass. soc., 30-9-20, n°19-13122). L’employeur n’est pas tenu de consulter le CSE avant chaque proposition de reclassement, une seule consultation suffit, celle-ci devant normalement s’effectuer avant la proposition de reclassement.
Le même jour, la Cour de cassation vient de confirmer notre grande interrogation en décidant que les délégués du personnel (dorénavant CSE) doivent être consultés même en cas d’impossibilité de reclasser le salarié inapte (Cass. soc., 30-9-20, n°19-16488).

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