Liquidation de Place du marché : FO aux côtés des salariés

InFO militante par L’inFO militante, Thierry Bouvines

© Benoit DECOUT/REA

L’entreprise Place du Marché met la clé sous la porte et 1 900 salariés au chômage. La faute à des erreurs de la direction, analyse FO. Le syndicat se bat pour obtenir de meilleures indemnités de départ pour les salariés et qu’ils puissent retrouver un emploi.

Trois ans après avoir été rachetée par l’enseigne Grand Frais, l’entreprise de livraison à domicile de produits alimentaires Place du Marché (anciennement Toupargel) s’apprête à fermer. Le tribunal de commerce de Lyon devrait prononcer sa liquidation le 11 janvier mais l’entreprise mettra la clé sous la porte dès la veille. J’ai rendu mon badge, je vous parle depuis le parking de mon établissement, indiquait le 6 janvier à l’inFO militante Françoise Charentus, déléguée syndicale FO de l’entreprise. Les salariés de la logistique sont en train d’empaqueter les invendus et les livreurs font leurs dernières livraisons.

Le 6 janvier, le site internet de l’entreprise était déjà indisponible. Après le 10 janvier, il ne restera plus que les 35 salariés de la cellule de liquidation. 1 900 salariés vont se retrouver au chômage : les 1 600 de Place du Marché, auxquels s’ajoutent ceux des sociétés sœurs, Eismann (distribution) et Touparlog (logistique). Certains avaient 40 ans d’ancienneté. Percevront-ils un peu plus que le minimum légal ? Les plus jeunes retrouveront-ils un emploi ? L’équipe FO de l’entreprise s’y emploie avec l’aide de la fédération FGTA-FO.

Négocier les indemnités avec les actionnaires

A l’audience du 11 janvier, nous demanderons au tribunal de retarder sa décision afin de nous laisser le temps de négocier des indemnités supra-légales avec les actionnaires, déclare Françoise Charentus. La déléguée FO a également pris contact avec des collectivités locales pour tenter d’obtenir des soutiens financiers et un accompagnement en vue de la reconversion des salariés. Elle cherche aussi des bus pour emmener autant de salariés que possible au tribunal de commerce de Lyon le 11 janvier.

Place du Marché avait été placée sous sauvegarde le 3 novembre dernier, puis en redressement judiciaire le 29 novembre. Depuis, plusieurs repreneurs se sont présentés mais n’ont pas été retenus par le tribunal de commerce, explique Angélique Bruneau, secrétaire fédérale en charge de la grande distribution à la FGTA-FO.

Dès le mois de novembre, les délégués FO, premier syndicat de Place du Marché, alertent la FGTA-FO sur la situation de l’entreprise. Ensuite, tout va très vite. Fin novembre, la société est placée en redressement. Dès le 30 décembre, avant même une audience au tribunal organisée le 3 janvier et sans même attendre la liquidation officielle, la direction informe les salariés qu’il n’y a pas de repreneur et que l’entreprise fermera ses portes le 10 janvier.

Salaires doublés pour les salariés liquidateurs

En deux mois, le sort de cette entreprise créée en 1947 et qui comptait 140 implantations sur tout le territoire (agences de livraison, télévente, siège à Civrieux dans le Rhône) est scellé. C’est rapide, mais le juge estime que c’est pour le bien des salariés car en laissant durer la procédure, la trésorerie de l’entreprise s’épuise, déclare Angélique Bruneau. Il n’empêche que c’est le régime de garantie des salaires (AGS), qui verse les salaires du mois de janvier. Quant aux indemnités, ce sera le minimum légal. Sauf pour les 35 salariés choisis par la direction parmi ceux du siège (direction financière, RH, quelques logisticiens) pour composer la cellule liquidative, dont le salaire sera doublé jusqu’au 31 mars, au frais de l’entreprise pour un coût de 1,3 million d’euros. C’est un coup de massue pour les autres salariés, selon Françoise Charentus. D’autant qu’ils ont été priés par la direction d’appeler eux-mêmes les clients pour annoncer la fermeture de Place du marché. A-t-on pensé au moral des salariés, qui vivent leur deuxième redressement et maintenant la liquidation de leur entreprise, la fin de leur travail ?, s’indigne-t-elle.

Promesses non-tenues

Comment Place du marché en est-elle arrivée là ? Après un premier redressement en 2020, l’entreprise est rachetée en janvier 2020 par les frères Léo et Patrick Bahadourian, cofondateurs et actionnaires de l’enseigne Grand Frais. Après le rachat, les salariés étaient plein d’espoir, se rappelle Françoise Charentus. Les repreneurs promettent d’y investir 45 millions d’euros en trois ans, de créer des magasins accolés à ceux de Grand Frais, et ils garantissent pendant deux ans les emplois des 2 200 salariés que comptait alors l’entreprise, sous peine de verser une amende de 10 000 euros par salarié. Mais la promesse de créer des magasins n’a jamais vu le jour, regrette Françoise Charentus. Et en trois ans, les effectifs ont fondu : environ 600 salariés ont quitté la société par le biais de licenciements, ruptures conventionnelles, démissions, licenciements pour inaptitude… Ainsi, l’entreprise n’a pas eu à payer les amendes qu’elle aurait dû payer pour des licenciements économiques, explique la déléguée FO.

Stratégie inefficace

La direction s’enferre dans une stratégie offensive inefficace et mise tout sur le web au détriment de la prospection sur le terrain. A maintes reprises, les représentants du personnel et les délégués syndicaux FO ont alerté lors des CSE sur le fait que l’entreprise se perdait dans un marché fortement concurrentiel et que les pseudos stratégies commerciales mises en avant puis retirées restaient inefficaces, rappelle Françoise Charentus.

Le travail des salariés est désorganisé et leurs conditions de travail se dégradent. Horaires décousus ; rythme d’appel clients abusif ; annonces de hausses de tarif soudaines en décalage avec les tarifs catalogue ; absence de prospection physique à l’origine d’une perte d’une partie important de notre clientèle ; prospection téléphonique à partir de fichiers de qualité médiocre et obsolètes, liste la déléguée FO. Les produits sont souvent en rupture. Il en résultait que les livraisons étaient imparfaites et que les clients mécontents s’en prenaient aux livreurs et aux télévendeurs, poursuit-elle.

Quant aux livreurs, leurs horaires et les distances à parcourir changent. Les éléments extérieurs imprévisibles et incontrôlables invoqués par la direction pour expliquer cet échec ne convainquent pas FO. La conjoncture n’a pas aidé, mais l’inflation est récente et l’entreprise était dans une situation catastrophique depuis longtemps, analyse Angélique Bruneau.

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Thierry Bouvines

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