[Livre] Après les mots, le travail à l’usine en images

InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

Les feuillets d’usine de Joseph Ponthus, ouvrier en usine, sont adaptés en un beau roman graphique. L’ouvrage met en lumière l’aliénation consécutive au travail à la chaîne, ses effets sur le corps et l’esprit, et rend hommage à la classe ouvrière.

Joseph a quitté la région parisienne pour s’installer en Bretagne avec la femme qu’il aime. Ce changement l’amène aussi à découvrir le monde de l’usine. Sur place il ne trouve pas d’emploi correspondant à sa formation d’éducateur spécialisé. Alors il s’inscrit en agence d’intérim et prend les missions qu’on lui propose à la conserverie de poisson ou à l’abattoir.

À la ligne, feuillets d’usine est une adaptation du roman  [*] du même titre de Joseph Ponthus, dans lequel celui-ci raconte sa propre expérience du travail à la chaîne. On y retrouve les duretés de l’usine : les horaires et le rythme imposé, les tâches physiques, la répétition des gestes, voire le sentiment d’enfermement. Et pour l’intérimaire : l’incertitude sur la possibilité d’une prochaine mission.

Aliénation et grande humanité

L’ouvrage de Joseph Ponthus est paru en 2019. Multiprimé, il est vite devenu un grand succès de librairie. Julien Martinière, dessinateur, frappé par la description de l’aliénation au travail et la grande humanité mises en mots, a travaillé près de trois ans sur son adaptation en roman graphique. Si l’écrivain et le dessinateur se sont rencontrés, ils n’ont cependant pas travaillé ensemble. Joseph Ponthus – décédé en 2021 – avait donné son accord au principe de l’adaptation.

Le résultat est un récit en noir et blanc, qui convient bien aux pensées parfois sombres de l’ouvrier intérimaire devenu écrivain. Le dessin pointilliste, travaillé à l’encre de Chine et au stylo rotring, de Julien Martinière s’adapte à la fois aux scènes les plus intimes et aux descriptions dantesques du travail à l’abattoir – qui occupent une large part de l’ouvrage. Et si le graphiste a dû opérer des choix parmi les scènes qu’il pouvait utiliser, il n’a pas oublié de raconter la grève, les intérimaires officieusement interdits d’y participer par l’entreprise et ceux parfois embauchés pour remplacer les salariés en grève, au mépris de la loi.

« À la ligne, feuillets d’usine », Julien Martinière, éditions Sarbacane, 208 pages, 25 euros.

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération