Benjamin Carle est journaliste et réalisateur de documentaires. David Lopez est illustrateur et travaille aussi dans l’animation.
Cette véritable histoire ouvrière commence en 1963. Nous sommes alors en plein dans les trente glorieuses. Le pouvoir gaulliste développe l’économie mixte et le tissu s industriel du pays même dans les coins les plus reculés, comme dans la Creuse. En effet, ce département est connu pour ses maçons qui durant des siècles vendaient leur savoir-faire dans les grandes villes de l’Hexagone. Mais un département loin des grands axes de communication qui petit à petit dépérissait. En 1963 est créée à La Souterraine, non loin de la préfecture (Guéret), la Socomec, un sous-traitant des grands constructeurs automobiles, à l’époque où Renault, Peugeot, Citroën, Simca étaient des entreprises florissantes. C’est ainsi que ce site industriel était devenu le premier employeur industriel du département.
Les désastres des délocalisations
57 ans après et une dizaine de repreneurs et de redressements judiciaires plus tard, la plus grande entreprise de la Creuse ne compte plus que 120 employés, soit quatre fois moins que dans les années 1980. L’opinion publique entend parler de GM&S pour la première fois en 2017 quand les salariés menacent de faire sauter leur usine pour éviter sa fermeture.
Cette BD-enquête raconte le combat d’ouvriers, dessine le portrait d’une petite ville rurale, plonge dans les archives et les données économiques pour comprendre comment nous en sommes arrivés là.
Dans « Sortie d’usine » quatre leaders de cette lutte ouvrière racontent les combats de ces travailleurs qui se sont battus pour maintenir en vie un des derniers bastions industriels de la région.
Dès les premières pages de la BD, un de ces leaders, reconverti dans une imprimerie de Limoges déclare : On voulait montrer que le destin des ouvriers de la Creuse s’inscrivait dans un contexte national, et je crois que depuis plus de 10 ans, on lutte contre une fatalité, contre ceux qui veulent fermer cette entreprise et tous ceux qui pensent que l’industrie en France, c’est terminé
. Tout est dit, tout est clair. Dans ce cas précis, ni les constructeurs, Peugeot, ni Renault, ni l’État n’ont été à la hauteur de leurs engagements. C’est si facile de sous-traiter au Maroc, en Roumanie ou en Turquie.
Les ouvriers ont bloqué la gare SNCF de la Souterraine, puis l’autoroute A20 et ont enfin défilé sur les Champs-Élysées. Sans succès. La BD décortique aussi la mise à mort de l’entreprise via un asséchage de la trésorerie, le gaspillage de l’argent public et le désengagement des constructeurs. Bref, un triste cas d’école.