[Livre] Dis-moi ce que tu dessines, je te dirai qui tu es

Idées par Corinne Kefes

C’est avec une approche de sociologue que l’auteur entreprend une étude assez unique sur le dessin de presse syndicale. Mais pas que : c’est aussi avec le regard d’un spécialiste du syndicalisme et du monde ouvrier qu’il analyse, en quantité et en qualité, cette production particulière.

L’auteur donne la parole à l’ensemble des acteurs de la presse syndicale (dessinateurs, maquettistes, responsables des revues, responsables syndicaux), considère les conditions de production des dessins et, par une analyse statistique et iconographique, détermine les thématiques exploitées et leur évolution dans le temps.

Sur cinquante ans, à travers 300 dessins et 56 illustrateurs, il brosse le tableau d’un monde en profonde mutation. Alors qu’au départ le dessin de presse syndicale revendique une contestation, une lutte (contre le capitalisme, les patrons, le profit, la classe dirigeante), il perd peu à peu de son impact, remplacé par la photo. Il est également moins présent dans le traitement « web » de l’information, édulcoré dans son sujet et son traitement par une certaine censure interne.

Cette situation impacte directement les dessinateurs qui voient leurs conditions de travail se dégrader : ils sont de plus en plus précaires du point de vue de leur statut comme de leur rémunération, de moins en moins libres dans leur création, isolés de la rédaction.

Parce qu’en cinquante ans le syndicalisme a changé, la lutte s’est atténuée ou a pris d’autres visages, le dessin comme expression de la culture ouvrière subit et révèle cette évolution.

 

Les dessinateurs du peuple, 50 ans de dessins dans la presse syndicale, CFDT – CGT – CGT-FO, Henri Pinaud - Éditions Le livre d’art, 239 pages, 32 euros.