[Livre] L’ascenseur social

Culture par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Adrien Naselli vient de publier un livre sur les enfants de « prolos » qui ont réussi à faire carrière et accèdent ainsi à des postes et des métiers mieux rémunérés que leurs parents. Jusqu’à quand ?

L’auteur, natif de Grenoble, avait des grands-parents paysans. Son père était chauffeur de bus et sa mère secrétaire. Bref, l’ascenseur classique de millions de Français durant les trente glorieuses. Quant à lui, il entre à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris en 2009. Visiblement, ne voulant pas devenir agrégé de lettres et enseigner, il se dirige vers le journaliste en faisant la formation du Centre de formation des journalistes. Il collabore à France Culture avant de prendre la rédaction en chef du magazine Têtu à l’âge de 27 ans. Aujourd’hui, il pige pour Le Monde et France Inter.

Son livre est un recueil de témoignages d’enfants, devenus adultes, dont les parents étaient ouvriers, agriculteurs, femmes de ménage, aides-soignantes, caissières de supermarchés, employés en bas de l’échelle salariale.

Dans son introduction, l’auteur écrit : Depuis mon irruption à Paris, pour faire l’École normale supérieure en septembre 2009, je tiens une liste de gens comme moi. Des noms de filles et de garçons qui sont les premiers de leur famille à faire des études supérieures. Ils n’ont aucune raison d’être là. Leurs parents ne sont ni ingénieurs, ni galeristes, ni journalistes, ni profs, ni chirurgiens, ni chefs d’entreprise, ni diplomates, ni architectes, ni producteurs de cinéma, ni banquiers, ni spécialistes de littérature médiévale.

Transfuges de classe

Pour l’auteur, ces jeunes gens, comme lui, seraient des transfuges de classe. Pour cette enquête, il en a rencontré de nombreux, leur a demandé de parler de leurs parents, voire de les rencontrer. Qui sont-ils ? Quels sont leurs parcours ? Comment vivent-ils l’ascension sociale de leurs enfants ? Sont-ils fiers, sont-ils jaloux ? De quel œil voient-ils ces lieux de formation des élites qui leur sont inconnus ? Les grands-parents ou parents ne se sentent-ils pas trahis par cette possible perte de conscience de classe. Ces parents vivent dans les campagnes, les banlieues, aux abords des zones industrielles, rarement dans les centres villes où leurs enfants se sont installés. Ils gagnent le Smic ou à peine plus. Dans le conte de fée de la méritocratie, ils sont l’envers du décor. Leur histoire n’est pas aussi glorieuse que celle de leurs enfants, alors ils sont priés de rester en coulisses.

L’auteur conclut : De quel œil voient-ils les lieux de l’élite dans lesquels leur progéniture évolue, les médias, la politique, la culture, l’école, la justice, l’entreprise ? Que nous racontent-ils de la méritocratie, de notre société ?.

Il s’agit donc d’une enquête sur deux générations, renvoyant notamment à une époque où l’ascenseur social fonctionnait encore. Actuellement, les parents voient plutôt leurs enfants aux prises avec la précarité et contraints souvent dans leur vie active d’aller de CDD en CDD et parfois sans pouvoir éviter une période de chômage.

 

Adrien Naselli : Et tes parents, ils font quoi ? Enquête sur les transfuges de classe et leurs parents, Paris, JC Lattès, 2021, 284 p., 19 euros.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération