La rentabilité et le service public sont des choses qui, pour moi, n’ont pas à être conjuguées, et quand je pense à tous ces hommes qui ont travaillé pour construire nos lignes de chemin de fer, cela me choque qu’on puisse envisager de laisser tomber le train.
Alain Bujak, journaliste et photographe, est parti enquêter sur les rails de la ligne Béziers-Neussargues, entre Massif central et Pays d’Oc, accompagné du jeune dessinateur Eliott Royer. Ils racontent, dans la bande dessinée Silence sur le quai, leur recherche autour de cette petite ligne
menacée de fermeture entre 2021 et 2023.
Patrimoine, développement économique et désenclavement
Le réseau ferroviaire français a compté quelque 65 000 kilomètres de rails à son apogée (1930), puis il a commencé à se rétracter dès 1934. En 2021, il ne restait que 27 000 kilomètres de voies. Choisie par les auteurs, la ligne de l’Aubrac illustre l’intérêt local du chemin de fer, en particulier dans cette région très enclavée. La ligne est ainsi utile au déploiement industriel (l’usine ArcelorMittal de Saint-Chély-d’Apcher l’utilise pour ses livraisons), elle permet de désenclaver une région certes peu peuplée mais où des citoyens demeurent, travaillent et se forment. Son patrimoine lui confère aussi un réel intérêt touristique (elle emprunte notamment le viaduc de Garabit). Alain Bujak et Elliot Royer rapportent leurs entretiens avec une maire, également représentante d’une association locale pour l’environnement, avec le fondateur d’un comité de défense de la ligne, un étonnant cheminot vigneron, et même avec un ancien ministre des Transports, originaire de la région. Ils tentent de comprendre le sort fait au train à travers les choix stratégiques et les logiques politiques qui ont conduit au délaissement progressif de l’entretien de la ligne au profit des investissements routiers. Un paradoxe à l’heure où élus et décideurs ne cessent de brandir la nécessité de la transition écologique et de la lutte contre la désertification des petites communes.