[Livres] Homère et Nietzsche à portée de main

Culture par Christophe Chiclet

©Antonio PISACRETA/ROPI-REA

En publiant Tout Homère et des écrits de Nietzsche, les éditeurs Albin Michel et Les Belles lettres permettent la découverte ou la redécouverte de ces deux monuments littéraires et philosophiques qui ont gardé leur caractère universel et contemporain (1).

À l’heure où les lieux de culture rouvrent timidement, les cinémas, théâtres, expositions, festivals, concerts ne sont pas l’abri du retour de la pandémie. Alors pour ne pas se couper de la culture, la lecture reste un outil indispensable, simple et protégé.

De l’intemporalité d’Homère

Publier Tout Homère en près de 1 300 pages n’est pas une mince affaire. C’est pourquoi les deux éditeurs se sont unis dans ce vaste chantier sous la direction d’Hélène Monsacré. En effet l’Iliade et l’Odyssée sont les textes les plus lus et les plus commentés dans l’histoire de la littérature. Et traduire le grec ancien, n’est pas mince affaire. Il s’agit donc ici de l’incontournable version de Victor Bérard (1864-1931), helléniste, traducteur, diplomate. Mais pour une meilleure compréhension historique et géographique, il a fallu justement y ajouter nombre de précieuses notes. Derrière cette épopée poétique, on ne peut s’empêcher de retrouver des réflexions universelles : la critique du pouvoir de l’art, l’éloge de la métis ( la ruse de l’intelligence), l’attachement à la mère patrie ou plus simplement à son terroir, la fidélité amoureuse…

La pensée nietzschéenne

Le tome 8 des Écrits philologiques de Friedrich Nietzsche a été orchestré par Anne Merker, spécialiste de philosophie antique et doyenne de la faculté de philosophie de l’université de Strasbourg, et Paolo D’Iorio, directeur de l’Institut des textes et manuscrits de la rue d’Ulm (Normale Sup), fin connaisseur du corpus nietzschéen. Ce tome est consacré à celui que Nietzsche considérait autant comme un écrivain que comme un philosophe, le grand Platon. Et visiblement le Prussien n’aime guère le Grec. Lors de ses cours à l’université de Bâle, Nietzsche disait à ses étudiants, Platon est un ami, mais..., ajoutant que Platon était de la génération de la peste. Le philosophe allemand devenant alors le chantre de Zarathoustra est de plus en plus influencé par la religion zoroastrienne de la Perse antique (2). Il reproche au Grec de s’être émancipé de Socrate et l’oppose à la figure tutélaire de l’historien grec Thucydide. Nietzsche, n’étant pas connu pour sa modestie, pensait que Platon était l’un de ses plus redoutables et féconds adversaires. Rien que ça !

(1) « Tout Homère », avec les textes inédits de la Légende de Troie, ed. Albin Michel-Les Belles Lettres, 2020, 1296 p. pour seulement 35 €, Friedrich Nietzsche, « Écrits philologiques », tome 8, ed. Les Belles Lettres, 2020, 280 p.
(2) Face à l’islamisation de la Perse, nombre de Zoroastriens qui n’ont pas voulu se convertir se sont réfugiés en Inde du Nord autour de Bombay. Ils sont aujourd’hui environ 100 000. Le père de la bombe atomique indienne et le chanteur Freddie Mercury sont issus de cette communauté, les Parsi, présents aussi au Kurdistan irakien et syrien sous une forme syncrétique, les Yézidis. Voir Taline Ter Minassian, « Les galaxies Markarian », ed. du Félin, Paris, 2018, 380 p. (roman historique).

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante