Loi Pacte : toujours plus de régressions sociales

Contre réformes par Clarisse Josselin

© Laurent CERINO/REA

Le projet de loi Pacte sur la croissance et la transformation des entreprises a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 11 avril, à une large majorité. Pour FO, ce texte fourre-tout va à l’encontre des droits sociaux et syndicaux.

Donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois, tel est l’objectif de la loi Pacte adoptée par les députés le 11 avril avec 147 voix pour, 50 contre et 8 abstentions, après un parcours pour le moins tumultueux.
Ce projet de loi, qui comportait initialement 70 articles, est devenu au fil du temps un « fourre-tout » de plus de 220 articles portant sur les sujets les plus divers. Sa mesure-phare - et aussi la plus controversée - concerne la privatisation ou élargissement de privatisation de plusieurs entreprises : Aéroports de Paris (ADP), la Française des jeux (FDJ) et Engie.
Porté par le ministre de l’Economie Bruno Lemaire, ce « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (Pacte), présenté en juin 2018 en Conseil des ministres, avait été adopté en première lecture par les députés le 9 octobre. Le texte, qui revenait pour une nouvelle lecture au Sénat le 9 avril, a été rejeté par les Sénateurs avant même d’être examiné, par 191 voix contre 50.
De leur côté, près de 250 parlementaires ont enclenché le 9 avril une procédure de référendum d’initiative partagée (RIP) contre la privatisation d’ADP. Ce dispositif, introduit dans la Constitution en 2008, n’avait encore jamais été utilisé.

FO appelle les salariés d’ADP à la grève le 18 avril

Dans sa résolution, le comité confédéral national des 27 et 28 mars 2019 a lui aussi condamné toutes les manœuvres qui organisent la privatisation d’entreprises publiques (ou la réduction de part détenues).
Concernant ADP, le projet de loi autorise l’État à vendre au privé tout ou partie des actifs (50.63%) qu’il détient. L’objectif affiché de l’opération est d’aider au désendettement de l’État et d’alimenter un fonds pour l’innovation dans les nouvelles technologies.
En février et mars derniers, la fédération des transports Feets-FO a adressé deux courriers aux députés pour les alerter sur les conséquences d’une privatisation d’ADP. Sur le plan social, elle pointait un risque de disparition de nombreux emplois statutaires et un renforcement de la précarité dans le secteur, conséquences des transferts d’activités massifs vers des sous-traitants qui ne manqueraient pas d’arriver. Sur l’aspect économique, rappelant notamment la privatisation des autoroutes devenues des sources de profits colossaux pour des intérêts privés, elle soulignait que la privatisation d’ADP est une tartuferie qui amènera inéluctablement l’enrichissement de multinationales avisées.
L’ensemble des organisations syndicales d’ADP appellent par ailleurs la salariés à faire grève le 18 avril contre cette privatisation.

Relèvement des seuils sociaux

La loi autorise aussi l’État à céder au privé la majorité du capital de la Française des Jeux (FDJ). Sa participation, actuellement de 72%, pourra descendre jusqu’à 20%. En préalable, la régulation des jeux fera l’objet d’une refonte par ordonnance.
Pour la section fédérale des casinos et cercles de jeux à la FEC-FO, donner carte blanche à Bercy pour décider seul et sans concertation sur l’activité des jeux en France fait courir un risque aux 60 000 emplois directs et indirects des casinos dans les territoires.
L’État pourra également détenir moins de 33% des parts du capital d’Engie.
Par ailleurs, le texte relève les seuils sociaux à 11, 50 et 250 salariés. Il supprime les obligations liées au passage à 20 salariés (cotisation action logement…) à l’exception de celles concernant l’emploi de personnes en situation de handicap. Le seuil de 200 salariés est supprimé, sauf pour l’obligation faite à l’employeur de mettre à disposition un local syndical. Et une entreprise qui franchit un seuil ne devra remplir ses nouvelles obligations qu’au bout de 5 ans, contre 6 mois actuellement.

L’épargne salariale encouragée

Autre recul, le forfait social est abaissé. Les entreprises ne paieront plus de cotisation (20%) sur le versement de l’intéressement en dessous de 250 salariés ni sur la participation en dessous de 50 salariés. La confédération FO est opposée à cette baisse qui vise à promouvoir les dispositifs d’épargne salariale au détriment de la négociation salariale, et qui génère aussi des pertes de recettes pour les comptes sociaux.
Autre mesure dénoncée par FO, les incitations à l’épargne retraite, dont les conditions vont être assouplies. Les différents produits pourront notamment être transférés entre eux. Pour la confédération, qui déplore l’absence de concertation sur ces propositions, ce dispositif favorise le développement de la retraite par capitalisation et remet en cause implicitement la retraite par répartition.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante