Une question importante était en débat entre les gouvernements, les représentants des employeurs et ceux des travailleurs, des 187 pays membres de l’OIT, réunis à Genève à l’occasion de la Conférence internationale du travail (105e session – juin 2016). Elle portait sur le respect des droits de travailleurs, à commencer par les droits fondamentaux, définis par les conventions de l’OIT, tout au long des chaînes de fabrication et d’approvisionnement des entreprises multinationales.
Le moins disant social au sein des « chaînes d’approvisionnement »
De longue date les syndicats en ont appelé à la responsabilité des multinationales en regard des violations de ces droits, conséquences des exigences en termes de réductions des coûts de production et d’approvisionnement qu’ils imposent à leurs sous-traitants et fournisseurs, souvent à l’autre bout de la planète, et donc hors du champ de visibilité publique et d’application des juridictions du pays d’établissement de leurs sièges.
Il avait cependant été difficile d’obtenir que cette question soit portée à l’ordre du jour de la conférence internationale du travail, tant les représentants des employeurs craignent que de nouvelles obligations sociales soient imposées aux entreprises dont elles aient à rendre compte. Leur préférence va toujours en la matière à ce qu’il est convenu d’appeler responsabilité sociale ou sociétale des entreprises (RSE), faite de codes de bonne conduite et autres chartes éthiques, non contraignantes.
Pour éviter de nouveaux Rana Plaza...
Il a fallu le drame du Rana Plaza au Bangladesh en 2013, où 1100 travailleurs du textile, employés par des fournisseurs locaux de grandes marques occidentales, ont perdu la vie à la suite de l’écroulement de locaux industriels délabrés, pour que la communauté internationale ne puisse plus détourner les yeux.
Après deux semaines de débats difficiles et tendus, une résolution a été adoptée à l’unanimité par la conférence, autrement dit par les représentants des gouvernements, employeurs et travailleurs des 187 pays de l’OIT, dont le gouvernement et les employeurs français.
Les travailleurs français, dont FO était cette année le délégué titulaire, ont bien évidemment soutenu cette résolution.
... Promouvoir la négociation de branche
Or, que dit cette résolution ? Qu’au titre des mesures mises en œuvre pour favoriser le respect du travail décent dans les « chaînes d’approvisionnement » (terminologie adoptée pour définir les chaînes de production et d’approvisionnement des multinationales et grandes marques et enseignes), « les partenaires sociaux [...] ont développé la négociation de branche et élaboré des normes ».
Elle dit aussi, au titre des actions à mettre en œuvre et à renforcer, que les gouvernements « dans le respect des partenaires sociaux devraient promouvoir [...] le travail décent [...] dans les chaînes d’approvisionnement mondiales au moyen [...] de conventions collectives, du dialogue social transnational et d’accords-cadres internationaux... »
Mais que fait la loi Travail en France ?
Exactement l’inverse. En donnant la primauté à la négociation d’entreprise sur les conventions collectives de branches, elle soumettra de facto les petites et moyennes entreprises, a fortiori les très petites entreprises, souvent en bout de chaînes de donneurs d’ordre, soit comme sous-traitants soit comme fournisseurs, aux exigences de ceux-ci.
Celles et ceux qui en subiront les conséquences seront les travailleuses et travailleurs de ces sous-traitants et fournisseurs à qui l’employeur fera comprendre que leur emploi dépendra de leur acceptation, dans un premier temps, d’une moindre majoration des heures supplémentaires !
Le moins disant social !
C’est cette logique de la compétitivité exercée sur le coût du travail, qui, à l’échelle internationale, a livré les travailleuses et travailleurs à la voracité du moins disant social, que les délégués de la conférence internationale du travail entendent contrer avec la mise en œuvre de cette résolution, qui comporte diverses autres dispositions concourant à obliger effectivement les donneurs d’ordre à rendre des comptes.
C’est cette logique que FO combat en France en opposition à la loi Travail.
Le gouvernement et les employeurs français ont approuvé cette résolution, sans émettre de réserve, mais font l’inverse avec la loi Travail en France...
On relèvera d’ailleurs que dans son discours en plénière de la conférence, le 7 juin, la ministre du travail - si elle a mentionné le travail décent - a préféré en appeler à la responsabilité sociétale des entreprises sans prononcer une seule fois le mot négociation collective, encore moins convention collective... dans l’enceinte du dialogue social fondé sur la liberté syndicale et la négociation collective.