Lustucru : les salariés décrochent un accord mais le feu couve encore

InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

© Francois HENRY/REA

Par une longue grève, les salariés ont négocié une augmentation générale ainsi qu’une prime. Une première reconnaissance de leurs efforts fournis pendant la crise sanitaire et qui ont permis au groupe d’augmenter ses bénéfices.

Il leur aura fallu dix jours d’un combat intense pour se faire entendre de leur direction : la quasi-totalité des 420 salariés de Lustucru en France, répartis sur les sites de Lorette (Loire), Communay et Saint-Genis-Laval (Rhône), se sont mis en grève du 7 au 17 février, à l’appel d’une intersyndicale à laquelle FO prenait part. Une mobilisation historique dans cette entreprise plus habituée au dialogue qu’à la grève. Sous pression, la direction d’Ebro Foods, le groupe espagnol qui a racheté en 2002 la section pâtes fraîches de Lustucru, a finalement accordé une augmentation salariale générale de 68 euros bruts mensuels et une prime annuelle de 400 euros.

Si ce n’est pas la hausse de 150 euros bruts par mois revendiquée par les salariés, cette victoire est à saluer, insiste Didier Pieux, secrétaire fédéral à la FGTA-FO. Je préfère la politique des petits pas : on aurait pu espérer mieux mais par les temps qui courent, j’aime mieux voir ces 68 euros multipliés par douze mois aller dans la poche des salariés, plutôt que rien. D’autant plus que les luttes sociales sont difficiles à mener dans ce type d’entreprises, qui possèdent souvent un stock important, amoindrissant les effets de la grève.

Les salariés ont pris des risques pendant la crise

La raideur de la direction de Lustucru est particulièrement choquante car la marque, spécialisée dans les pâtes fraîches, les gnocchis et les pâtes farcies, a largement bénéficié de la crise sanitaire, et ce, essentiellement grâce à l’engagement des salariés. Ils ont répondu présent, ils ont pris des risques en allant travailler dans le froid et l’humidité, avec des cadences difficiles, et ils sont traités de cette façon-là ? Ce n’est pas acceptable, s’insurge Didier Pieux. Les salariés ont prouvé qu’ils étaient au rendez-vous, ils ont droit à leur part du gâteau. Et ce gâteau est d’ailleurs assez copieux : en 2020, le bénéfice net d’Ebro Foods était en hausse de 36%, avec un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros. Le groupe a de supers résultats, mais les salariés sont encore la variable d’ajustement, regrette le secrétaire fédéral.

La prime et l’augmentation générale qui ont dû être véritablement arrachée par les salariés de Lustucru sont symptomatiques de la difficulté de dialogue social qui touche tout le secteur : Les négociations d’entreprise sont devenues très importantes, car il n’y a plus d’accord de branche depuis deux ans, souligne Didier Pieux. L’âpreté des négociations surprend d’ailleurs même les salariés. Il n’y a plus cette culture du social qui faisait qu’on se mettait autour de la table et qu’on se disait les choses, déplore le secrétaire fédéral.

Des conditions de travail qui n’attirent plus les jeunes

Or, ce dialogue social grippé et ces politiques salariales au rabais représentent un véritable danger pour l’attractivité du secteur, rappelle-t-il : Les jeunes qui arrivent sur le marché ne veulent pas être exploités, payés au Smic pour faire des gestes répétitifs et sans reconnaissance. Pour preuve, beaucoup de groupes ont de plus en plus de mal à recruter et commencent à regarder vers l’Afrique pour trouver de la main d’œuvre.

Entre hausse du coût du carburant et flambée des prix, les salariés n’arrivent tout simplement plus à joindre les deux bouts. A l’avenir, l’employeur devra faire des efforts pour la reconnaissance du travail du personnel, avertit Didier Pieux : Autant de salariés en grève, ça signifie que le problème est profond. Le feu n’est pas éteint, il est étouffé mais le conflit peut rebondir à tout moment.

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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