La réforme des lycées professionnels (LP) est lancée. 0 % de décrochage et 100 % d’insertion à la sortie, forcément on est d’accord avec les objectifs,
A l’échelle nationale l’exécutif annonce que 2 600 places de formation seront fermées, dont 660 dans les Hauts de France, 490 en Nouvelle Aquitaine, et 413 en Île-de-France. 3 000 autres devraient être ouvertes et 150 filières créées (dans les services à la personne, l’industrie, le numérique, l’énergie, le bâtiment durable, les mobilités douces...), dès la rentrée prochaine. On ne sait ni où, ni comment.
De quoi inquiéter les enseignants. Ainsi, dans l’académie de Lille, le registre santé sécurité au travail a enregistré une dizaine de notifications comportant des propos suicidaires dans le week-end qui a suivi les annonces. Des collègues ont appris par la radio que dès la rentrée prochaine ils pourraient être dans l’obligation de se reconvertir pour enseigner dans le premier degré
, explique Fabrice Costes, secrétaire académique du SNETAA Lille. Sans aucune précision, ni sur les établissements concernés, ni sur les formations dont les professeurs (PLP) pourraient bénéficier, quatre mois avant la rentrée.
Des bureaux des entreprises pour des missions qui existent déjà
Si le ministre parle déjà de reconversions, c’est bien qu’il n’y aura pas de la place pour tout le monde
, observe Christophe Lalande, secrétaire de la FNEC FP-FO. Pour Pascal Vivier, il n’est pas envisageable que des classes ou filières soient supprimées dès la rentrée prochaine, les arbitrages pour la rentrée 2023 ayant été rendus en janvier dernier. C’est pourtant ce qui est indiqué dans le texte qui présente la réforme et contre quoi s’insurge la FNEC FP-FO.
La création de bureaux des entreprises dans chaque LP est aussi annoncée, ainsi que des recrutements à cet effet. Leur mission : Ouvrir un réseau professionnel aux jeunes qui n’en ont pas
. Nous avons déjà des professeurs chargés de ces missions,
Pour la FNEC, ces « bureaux » permettront aux entreprises de venir faire leur marché et transformer les LP, voire les collèges, en annexes de Pôle emploi.
Car c’est bien ce qui inquiète le plus : la soumission du lycée professionnel aux besoins du patronat local
.
1 050 places de formation sur la base des besoins des entreprises
D’ailleurs, aux 3 000 places de formation créées, l’exécutif en ajoute 1 050 qui seront ouvertes sur la base des besoins exprimés par les entreprises partenaires des lycées
. Des postes de professeurs associés
sont prévus. Des professionnels qui viennent participer à des séminaires, cela existe déjà,
Il semble bien que la volonté de l’exécutif soit d’inverser les rôles.
L’augmentation de la durée du stage ne concernera finalement que les élèves de terminale qui ne souhaitent pas poursuivre leurs études après leur bac. Ils auront alors 12 semaines en entreprise au lieu de 6. Ceux qui souhaitent poursuivre en BTS gagneront, eux, 4 semaines de cours intensifs d’enseignements généraux et professionnels adaptés pour leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires à la réussite dans l’enseignement supérieur
après des examens du bac anticipés.
Des stages rémunérés… par l’État
Les stages seront gratifiés, ce que les syndicats espéraient de longue date. C’est valorisant pour les élèves
souligne Pascal Vivier. Mais cette gratification sera financée par l’État, et non par les entreprises accueillant les stagiaires. Jusqu’à 1 200 euros en terminale pour ceux qui effectueront 12 semaines de stage.
Enfin, si le décrochage menace, l’élève pourra être rapidement orienté en cours de première année vers un dispositif d’insertion (mission locale ou établissement pour l’insertion dans l’emploi) ou de formation professionnelle (école de la deuxième chance) tout en conservant son statut d’élève durant quelques mois et la possibilité de réintégrer le lycée
.
Pour Pascale, adhérente FO, qui enseigne les lettres et l’histoire géo dans un lycée parisien qui doit fermer dès la rentrée prochaine, ces dernières annonces signent la mort du lycée pro. Dans ma discipline on n’annonce pas de fermeture de poste, mais la réforme Blanquer a déjà diminué nos heures d’enseignement, soi-disant pour accentuer le soutien sur les matières pro. Ça signifie surtout que des départs en retraite ne sont pas remplacés. Et où travaillerons-nous à la rentrée prochaine ? Sur des postes éclatés entre plusieurs établissements ?
Et l’enseignante d’insister sur le sentiment de maltraitance : C’est un beau métier qu’on nous décourage de faire. Normalement quand tu entres dans la fonction publique, tu le fais aussi pour la sécurité de l’emploi, et même cela on nous le supprime.
Une non-revalorisation mais plus de travail
Quant à la participation des PLP à la demi-journée de « découverte des métiers » en 5e, c’est oublier que cette mission était celle des PsyEN, les anciens Conseillers d’orientation psychologues et que l’on a fermé des centaines de centres d’information et d’orientation
remarque Christophe Lalande.
Enfin, comme pour noircir encore le tableau, la mise en place du pacte enseignant précédemment annoncé par Pap Ndiaye censé permettre d’améliorer la rémunération des professeurs, sera différente pour les PLP. Ceux-ci devront, s’ils acceptent des missions supplémentaires, en remplir six d’emblée (là où les enseignants de la voie générale peuvent en accepter une, deux ou trois), soit 72 h supplémentaires sur l’année.
En réaction, outre l’appel à la grève interprofessionnelle du 6 juin pour le retrait du « pacte » et l’abrogation de la réforme des retraites, la FNEC FP-FO, a proposé aux autres organisations syndicales une action commune avec des rassemblements devant les directions départementales, les rectorats, et le ministère le 31 mai, jour du CSA ministériel qui examinera les textes sur la « revalorisation » Ndiaye et le « pacte ».